Nature, arts, phénomènes stellaires : les maisons de haute joaillerie aiment souvent composer des variations sur des mêmes thèmes de collection – l’originalité n’est pas toujours le fort de la place Vendôme. Cette saison, la lumière s’impose comme une obsession. Ce motif est à la fois pratique pour les ateliers qui ont pour mission de faire résonner pierres et lumière, et facile à défendre auprès d’une clientèle fortunée en quête de reprise post-pandémie – « après les derniers mois, nous avons tous besoin de lumière et d’énergie », répète-t-on partout, comme élément de langage ultime.
« Nous avons voulu explorer toutes les nuances d’une nuit, du début à la toute fin d’une soirée », démarre Christophe Bourrie, directeur de la haute joaillerie de Piaget. Du coucher de soleil qui prend l’allure d’une parure en rubis profonds du Mozambique, on passe aux aurores boréales avec un collier en or blanc en technique fil-couteau parsemé de saphirs violet, rose et bleu. Ce, pour atterrir au petit matin sur une bague tout en rondeurs où éclate un diamant jaune « qu’on a voulu doux, comme le soleil qui se lève ».
Pour sa première collection sous pavillon Richemont (le groupe suisse a racheté la griffe en 2019), Buccellati pimente son esprit Renaissance et la finesse de ses dessins de couleurs plus acidulées, comme pour laisser entrer de la chaleur. Sa collection figure un jardin luxuriant au lever du jour façon peintres impressionnistes : bagues jasmin en topaze ou rose de Damas en spinelle, boucles d’oreilles lobélies en zircon et tsavorite. Quand bougent ses manchettes en or brossé et gravé signature, des reflets sont renvoyés par d’imposantes rubellites ou tourmalines.
Nymphes mutantes et boules à facettes
Certains joailliers ont choisi de se confronter à la lumière par une matière en particulier. Valérie Messika, dont la force créative et commerciale a toujours été le diamant, s’amuse à multiplier de solaires diamants jaunes qu’elle aime tailler en poire, sur boucles, bagues ou bracelets. Mais aussi créoles, bijou de tête ou de pied, des formes moins classiques qui font le sel de sa proposition.
Chez Vever, c’est l’émail plique-à-jour qui se laisse traverser par des rais, sur des nymphes Art nouveau mais mutantes, façon héroïnes de Luc Besson. Le joaillier, qui avait disparu en 1982, tente cette année sa renaissance. « J’ai travaillé dans la finance mais ai toujours eu, depuis un bijou offert par ma grand-mère pour mes 16 ans, cette volonté de faire revivre notre héritage », explique Camille Vever, héritière du joyau familial. La recette ? Un clash entre ancien et moderne, avec des pièces hommages à l’Art nouveau qui permit à la griffe de triompher fin XIXe-début XXe, mais relevées de très en vogue diamants de synthèse que la plupart des concurrents de la place Vendôme rechignent à adopter.
« J’ai voulu travailler sur la couleur au prisme de la lumière », avance Claire Choisne, la directrice des créations de Boucheron. Illustration avec un parti pris radical et réjouissant : une collaboration avec Saint-Gobain. La maison privilégie ainsi un revêtement holographique pensé par le groupe industriel et l’applique sur ses bijoux colorés en céramique blanche ou cristal de roche. Montés sur or blanc et souvent diamantés, ils sont sans cesse changeants : selon leur inclinaison et la manière dont ils rencontrent les rayons, un reflet bleu passe à l’orange, tandis que file une étincelle de fuchsia ou de vert. Ils prennent alors les atours de sculptures de Daniel Buren. Voire, lorsqu’on les porte au soleil, de boules à facettes.
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