Cela faisait quelques jours que le bruit courait dans les ruelles de Hay Hassani : les hammams pourraient bientôt rouvrir leurs portes. Dans ce quartier populaire de Casablanca, la rumeur suscitait un engouement chez les habitants privés de ce rendez-vous hebdomadaire. « Au Maroc, le hammam n’est pas un luxe comme il peut être perçu en Occident. C’est un besoin à la fois hygiénique et social », selon Karima Souissi, une infirmière de 45 ans qui se rend chaque semaine dans un établissement du quartier.
Avec plus de la moitié de la population complètement vaccinée, le pays voit le nombre de contaminations diminuer après une inquiétante recrudescence du virus, portée principalement par le variant Delta. Contraints de fermer le 3 août, les propriétaires de hammams espéraient donc que les récents chiffres de la pandémie leur permettraient de reprendre une activité normale. « Il est temps d’ouvrir, martelait ainsi Jilali Harifi, patron de quatre hammams à Casablanca et à Safi. Hormis les trois premiers mois de la pandémie, nous n’avons pas touché d’aide de l’Etat et nous risquons aujourd’hui la faillite. »
Mi-septembre, la Fédération nationale des associations de propriétaires et gérants de hammams traditionnels et douches publiques a lancé un appel au nouveau premier ministre, Aziz Akhannouch, nommé le 10 septembre, pour demander leur réouverture. Plusieurs sit-in ont été organisés, à Casablanca et à Marrakech, pour protester contre cette décision qui concerne principalement les bains publics. Les cabines de hammam individuelles, prisées par les spas de luxe, ont quant à elles été épargnées.
Un appel entendu par le gouvernement, qui a décidé, le 30 septembre, d’alléger les mesures restrictives en autorisant les hammams à rouvrir à 50 % de leur capacité.
Une tradition ancestrale en péril
Lors du premier confinement, en mars 2020, les 14 000 bains publics du royaume avaient ainsi brutalement cessé leur activité. Un an plus tard, les hammams étaient enfin autorisés à rouvrir, à condition de respecter des mesures d’hygiène strictes, avant d’être à nouveau fermés, en août.
Pour les 280 000 employés du secteur, ce fut la fermeture de trop. « Il faut savoir que les employés sont principalement rémunérés au pourboire », rappelle Jilali Harifi. Au fil des années, ces travailleurs informels ont créé un écosystème en mutualisant les pourboires. Selon les quartiers, ils gagnent entre 10 et 40 euros la journée. « Mais beaucoup sont repartis dans leur village à la campagne, ou ont changé de métier pour survivre. Ce phénomène met en péril une tradition ancestrale et un savoir-faire unique », déplore Layla Fatma, une ancienne teyaba (masseuse) devenue femme de ménage à Casablanca.
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