« Deux ans après le début de l’épidémie de Covid-19, je ressens un double sentiment de déception et d’inquiétude. La cinquième vague arrive sur un hôpital qui est exsangue. Une grande partie du personnel soignant a démissionné et ceux qui restent sont extrêmement fatigués. Aujourd’hui, paradoxalement, nous pouvons ouvrir moins de lits de réanimation supplémentaires qu’aux premiers mois de la crise. Nous avons les machines, mais pas les infirmières. C’est un constat d’échec.
A l’époque, on criait “Du fric pour l’hôpital !” en pensant que le Covid-19 montrerait le rôle indispensable de nos établissements. Près de vingt-quatre mois plus tard, on se retrouve encore plus fragilisés. Le Ségur de la santé devait améliorer l’attractivité de nos métiers. Le dispositif est clairement insuffisant.
« On ne peut pas nous demander d’être un réservoir de lits en cas de pandémie, d’être le recours pour les greffes, les traumatisés graves, de former 100 % des médecins en France et d’être rentable. »
Dans notre service à l’hôpital Nord de Marseille, nous avons ouvert cinq lits de plus, ce qui correspond à une augmentation de 33 % de notre capacité. Pour l’instant, cela reste suffisant. On sélectionne les patients, comme on le fait toujours en réanimation, en fonction du bénéfice individuel face à des techniques très invasives et en évitant tout acharnement thérapeutique, mais on n’en est pas à faire un tri parce qu’il ne reste qu’une place.
Le variant Omicron nous inquiète. Sera-t-il moins virulent que le Delta ? Plus les jours passent, plus cela semble se confirmer. Mais, quand on sait qu’il y a 5 millions de non-vaccinés en France et que, grosso modo, on peut encore ouvrir 2 000 lits de réanimation, le ratio n’est pas du tout en notre faveur. Le risque d’être submergé existe toujours.
J’ai signé une tribune avec plus de 500 médecins de l’AP-HM pour inciter les Marseillais à se faire vacciner… Elle traduit notre sentiment de gâchis quand on voit arriver des gens en réanimation alors qu’une injection et des rappels auraient pu leur éviter ça. C’est un gâchis aussi pour les autres patients dont on déprogramme les soins. Dans nos services, il n’y a aucun sceptique à propos du vaccin.
On est choqué de voir que, dans les débats télévisés, certains hommes politiques font de la récupération sur ce sujet et qu’on donne le même temps de parole à ceux qui sont pour et à ceux qui sont contre. La leçon qu’il faut tirer, c’est d’arrêter de gérer l’hôpital public à l’infirmière près. On ne peut pas nous demander d’être un réservoir de lits en cas de pandémie, d’être le recours pour les greffes, les traumatisés graves, de former 100 % des médecins en France et d’être rentable.
Cette obsession doit laisser place à l’obsession du soin, comme lors de la première vague. Nous avons besoin d’un plan Marshall et je suis étonné que cela ne soit pas central dans la campagne présidentielle. Car l’hôpital est un bien commun qu’il faut préserver à tout prix. »
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