En matière de politique migratoire, les gouvernements australiens, de droite comme de gauche, sont partisans de la méthode forte. Depuis plus de vingt ans, ils misent sur une approche essentiellement fondée sur la dissuasion, quitte à envoyer de manière systématique des demandeurs d’asile, même mineurs, ou des clandestins, croupir pendant des années dans des centres de rétention offshore, dans des conditions souvent dénoncées par les ONG.
Mercredi 8 novembre, la Haute Cour a remis en cause un des piliers de la politique migratoire du pays : la détention illimitée des étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention administratifs établis sur le sol australien. Elle a jugé que les autorités ne pouvaient enfermer indéfiniment des individus n’ayant pas de perspective d’expulsion dans un délai raisonnable. Depuis, les élus croisent le fer, s’accusant mutuellement d’échec. Car parmi les personnes relâchées dans la foulée de cette décision – cent quarante-huit, le 4 décembre – beaucoup ont des antécédents judiciaires.
Les Australiens ont ainsi découvert, atterrés, que vingt-sept des sans-papiers remis en liberté dans le premier groupe de quatre-vingt-douze personnes avaient commis des faits très graves : crimes contre des enfants, violences domestiques ou infractions sexuelles. « Le gouvernement a libéré des violeurs d’enfants, des meurtriers, des délinquants sexuels, des trafiquants d’êtres humains, des trafiquants de drogue et des bikers hors-la-loi », s’est insurgé, jeudi 30 novembre, le chef de l’opposition conservatrice, Peter Dutton, avant d’appeler à la démission du ministre de l’immigration, Andrew Giles, lors d’un débat parlementaire particulièrement houleux.
Mille cent dix-sept personnes détenues
Pour rassurer le public mais aussi démontrer sa fermeté sur ce sujet sensible, le premier ministre travailliste, Anthony Albanese, a fait adopter, dès le 16 novembre, des mesures pour autoriser la surveillance rapprochée des personnes relâchées : port du bracelet électronique et couvre-feu. Des mesures dénoncées par les organisations de défense des droits de l’homme, déjà vent debout contre la politique migratoire du pays. Dimanche 3 décembre, le Centre de ressources pour demandeurs d’asile a déposé un recours devant la Haute Cour contre ces dispositions. « Tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité devant la loi », a plaidé l’avocate du centre Hannah Dickinson.
En réalité, le débat au sein de la population australienne tient à une large méconnaissance de ce que sont les Centres de rétention administratifs. « Ce ne sont pas des prisons. Ce n’est pas comme si on avait ouvert les portes des établissements pénitentiaires. Les étrangers en situation irrégulière y sont détenus en attendant d’être régularisés ou expulsés. Ceux qui ont été condamnés ont fini de purger leur peine pour des crimes ou délits avant d’y être transférés », note Sanmati Verma, directrice juridique par intérim de l’organisation australienne Human Rights Law Centre.
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