En novembre, Gabriel Attal, encore ministre de l’éducation, appelait à un « sursaut collectif » face à l’usage des écrans à la maison : il estimait que la surexposition des enfants nous plaçait « proches d’une catastrophe sanitaire et éducative ». Trois mois plus tard, Gabriel Attal, cette fois à Matignon, débarque sur BeReal, l’appli qui est plébiscitée par les ados et dont le principe est d’adresser sans prévenir à ses abonnés un message leur commandant de se prendre en photo à l’instant T.
Celui qui, dans une interview au Parisien, prônait la création d’un « guide du bon usage » a partagé immédiatement son premier post BeReal sur ses comptes Instagram et TikTok. Quelques jours plus tôt, il avait aussi exposé un bout de sa vie privée sur Instagram en mettant en ligne un cliché de sa chienne, Volta. Peu de temps auparavant, il avait été surpris sur les bancs à l’Assemblée nationale en train de montrer l’image du chow-chow sur son smartphone à trois ministres pendant un discours du député PS Boris Vallaud. On est donc en droit de se demander si le premier ministre peut raisonnablement se charger d’un « guide du bon usage » des écrans.
C’est le gros problème de ceux qui se dressent contre un usage intempestif des écrans et des réseaux sociaux. Ils ont du mal à y renoncer eux-mêmes et à faire connaître leur bonne résolution. Parmi ceux qui se sont exprimés sur le sujet, il n’y a guère que le philosophe et essayiste libéral Gaspard Koenig à avoir fermé ses comptes sur les réseaux sociaux. À l’instar des parents hostiles aux smartphones et aux tablettes pour leurs enfants qui créent des groupes WhatsApp ou Facebook pour échanger sur le sujet, les politiques, qui ont fait de l’addiction aux écrans des plus jeunes un de leurs engagements politiques, n’ont pas encore trouvé d’autres lieux pour communiquer leurs inquiétudes.
A quoi on les reconnaît
Ils multiplient les tweets sur le temps que les enfants passent sur les écrans. Ils repostent sur les réseaux sociaux des extraits de leurs interventions à l’Assemblée nationale, sait-on jamais. Ils se disent favorables à un « usage raisonné » des réseaux sans spécifier en quoi il consiste. Ils rappellent que la Chine (ou Singapour) a déjà pris des mesures. Ils se soucient beaucoup du temps d’écran des plus jeunes, mais restent assez indifférents à celui des plus âgés. Ils demandent à leurs enfants de ranger leur téléphone mais consultent le leur en cachette aux toilettes. Ils ont souvent deux portables.
Comment ils parlent
« Un enfant passe autant de temps de son année devant un écran qu’à l’école ! » « Pour nos enfants, pour nos familles. » « C’est maintenant une crise sanitaire. » « Il est temps de réagir. » « Pour mon boulot, je ne peux pas faire sans. »
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