Dès qu’ils ont su que leurs enfants allaient devenir parents, ils étaient dans les starting-blocks. Et puis, quand ils se sont apprêtés à prendre leurs fonctions de grands-parents, leurs ardeurs ont été calmées par leurs propres progénitures.
Pas question de pouvoir garder leurs petits-enfants tant que leur logement ne serait pas plus sécurisé et qu’ils ne se seraient pas engagés à ne pas allumer la télévision, à ne pas donner de protéines le soir ou à ne pas cuisiner de purée aux pesticides.
Bienvenue à l’ère des grands-parents en sursis, ceux qui se croyaient à même de s’occuper de petits comme ils en avaient déjà élevé trois, mais dont les compétences ne semblent plus reconnues – un peu comme des diplômes étrangers qui ne seraient pas validés hors de leurs frontières, ici générationnelles.
Avec leurs petits-enfants, ils pensaient rattraper le temps qu’ils n’avaient pas passé avec leurs enfants, mais ceux-ci ne l’entendent pas ainsi. Ces jeunes parents nourris à l’éducation positive se méfient de ceux supposés représenter l’éducation négative, oubliant qu’ils n’ont pas si mal réussi la leur.
A quoi on les reconnaît
Ils s’attendaient à enseigner leur savoir à leurs enfants. Mais ce sont leurs rejetons, parents depuis cinq mois, qui leur expliquent comment on élève un enfant. Quand ils arrivent à obtenir un après-midi avec leurs petits-enfants, ils doivent s’engager à ne pas avoir leurs cousins en même temps pour ne pas qu’ils se laissent déborder. Ils ont dû accepter un équipement high-tech de sécurisation (montre connectée et autres dispositifs d’alerte), des listes de consignes, des repas déjà préparés et toutes sortes de garde-fous.
Ils ont promis qu’ils liraient tout Céline Alvarez et le best-seller Chasseur, cueilleur, parent (de Michaeleen Douclef, Leduc, 2022). Ils ont reçu le planning jusqu’en 2025 des moments où ils pourront avoir leur petit-fils en fonction des vacances de la nounou. Ils ne se sèchent pas les mains complètement pour prouver qu’ils les ont bien lavées avant de toucher le bébé. Ils nettoient le sol avant l’arrivée de leurs enfants de peur que les petits ne soient pas autorisés à ramper. Ils ont cru bien faire en mettant des coins en mousse aux tables et des protège-prises chez eux, mais ils doivent se déplacer au domicile de leurs enfants parce que c’est important que leur petit-fils ne soit pas déstabilisé par un changement d’environnement et puisse garder ses habitudes à la crèche.
Ils regardent le « 20 heures » en cachette parce qu’ils ont promis de ne pas allumer la télé. Ils pensaient faire plaisir à leurs enfants en leur gardant leurs anciennes poussettes, lits à barreaux et parcs à jouer pour plus tard, mais ont dû les remballer parce qu’ils n’étaient plus aux normes et étaient devenus tout à la fois liberticides et des nids à poussière. Ils n’émettent aucune critique de peur que l’enfant soit envoyé chez ses autres grands-parents.
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