Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ceux qui sont friands de bons plans peuvent être à cheval sur de nombreux principes dans la vie. Cela ne les empêche pas d’être fiers de leurs accès privilégiés, qu’il s’agisse du meilleur dermato, de l’expert en détournement de carte scolaire ou de la responsable petite enfance de la mairie (celle qui a la main sur les places en crèche).
Très égalitaires sur plein de sujets, mais amateurs de privilèges sur tout ce qui touche à la collectivité, ils sont surnommés les « losers d’en haut » par Emmanuel Todd. Ils occupent des professions qui les maintiennent symboliquement en haut mais ne leur garantissent plus assez de revenus, alors ils se rémunèrent en accès, en bons plans. Des places en crèche pour les enfants à celles dans les Ehpad les plus réputés, leur vie est une longue bataille d’accès.
Le passe-droit est un plaisir qui se savoure à plusieurs. Le nombre de documents administratifs ou de rendez-vous médicaux dont on peut avoir besoin dans une année étant limité, ils veulent absolument en faire profiter leurs amis, postant en série sur les réseaux sociaux des appels à trouver un stage de 3e pour le fils d’une amie ou un studio dans une capitale étrangère pour une nièce étudiante en Erasmus. Quand quelqu’un tombe malade autour d’eux, ils l’interrogent : « Vous avez un bon médecin ? » comme s’ils pouvaient en sortir un de leur poche et se vexeraient même si l’on ne suivait pas leurs suggestions.
A quoi on les reconnaît
Au moment de demander un visa, plutôt que de prendre rendez-vous en cinq minutes sur le site d’une administration, ils cherchent pendant cinq heures qui, dans leur entourage, connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un qui y travaille. Ils ne se rendent pas compte qu’un carnet d’adresses se démonétise rapidement (ils conseillent d’appeler de leur part des gens partis à la retraite). Leurs proches sont gênés de leur avouer que leurs recommandations ne débouchent que sur des secrétaires qui les renvoient dans le circuit du plus grand nombre. Habituellement réservés sur leur vie privée, ils ne résistent pas à poster des photos des événements auxquels ils sont allés grâce à des invitations. Ils aiment l’idée de série limitée.
Comment ils parlent
« Appelle-le de ma part. » « Je ne peux pas trop en parler. » « Devine d’où je t’appelle ! » « Il y a des gens qui font huit heures de route pour se faire opérer par lui. » « Il me doit bien ça. » « Il ne prend plus de nouveaux patients, mais dis-lui que tu me connais. » « Ne passe pas par le standard, appelle ce numéro-là. » « J’ai eu mon rendez-vous pour mon passeport le lendemain ! » « L’avantage d’être Platinium sur Air France, c’est de pouvoir emmener des gens dans le lounge. »
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