Sur la quatrième de couverture du livre que la maison d’édition P.O.L leur avait envoyé, quelques mots se détachaient : « Quand Jim est né, j’étais là. Et puis je suis resté. On a passé de belles années ensemble, et j’ai bien cru devenir son père. » En lisant le résumé du Roman de Jim, de Pierric Bailly, sorti en 2021, récit de la vie d’un homme qui élève comme son fils un petit garçon dont il n’est pas le géniteur, les frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu ont d’abord imaginé « une narration psychologique sur la paternité traitée comme un sujet de société ». Bref, disent-ils en chœur, « a priori pas pour nous ».
La plongée dans le récit a pourtant démenti leurs préjugés et, quelques mois plus tard, l’adaptation cinématographique qu’ils en ont faite est sélectionnée à Cannes Première. Cette catégorie est née en 2021 pour, dixit Thierry Frémaux, « accueillir les grands noms du cinéma dont les œuvres ne répondent pas forcément aux critères de la compétition ». Le Roman de Jim, neuvième long-métrage réalisé par les frères Larrieu, qui sera projeté le 22 mai (et sortira en salle le 14 août), marque pour eux l’exploration d’un nouveau genre : le mélodrame.
Nés à Lourdes respectivement en 1965 et 1966, Jean-Marie et Arnaud Larrieu s’étaient auparavant confrontés à la comédie de remariage (Un homme, un vrai, 2003), au drame conjugal (Peindre ou faire l’amour, 2005), au film catastrophe (Les Derniers jours du monde, 2009), au thriller (L’amour est un crime parfait, 2013) ou à la comédie musicale (Tralala, 2021). « Il nous reste encore beaucoup de genres à explorer ou à creuser : l’animalier, le film de zombies, le western… », salivent-ils déjà.
Des cinéastes à la fois lettrés et terriens
Autodidactes, les Larrieu ont fait leurs débuts, gamins, devant la caméra 16 mm de leur grand-père maternel, qui improvisait des films amateurs dans les années 1970, avant de bricoler eux-mêmes leurs premiers films en super-huit avec des amis. Plus tard, une fois diplômés en philosophie, les cours de cinéma à la Sorbonne, à Paris, où ils ont pour professeurs les critiques Dominique Noguez ou Alain Bergala, leur serviront d’initiations théoriques. Un bagage conceptuel qu’ils équilibrent avec un vif intérêt pour la nature, les animaux et les corps, faisant d’eux des cinéastes à la fois lettrés et terriens ou, comme le formule joliment l’acteur Karim Leklou, « de vrais intellos mais sans le papier cadeau autour ».
Depuis leur premier long-métrage, Fin d’été, en 1999, les frères font tout ensemble : écriture, casting, repérages, tournage, montage, mixage, promotion. « Sur le plateau, ils ne surjouent pas la fratrie fusionnelle, qui pourrait être excluante, constate Leklou, à qui Le Roman de Jim offre un premier rôle ordinaire et bouleversant. Ils fonctionnent comme deux professionnels qui travaillent en pure camaraderie, en incluant le monde autour. Le moment mignon où on les revoit redevenir frères, en revanche, c’est à la cantine, où ils déjeunent ensemble chaque jour. »
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