![Snack multi-fruits de mer à base de varech et de spiruline.](https://img.lemde.fr/2024/05/28/0/0/2400/1599/664/0/75/0/f3adcb0_1716912824892-pns-6531465-1.jpg)
S’il y a une organisation secrète qui s’en sort un peu trop bien ces derniers temps, c’est celle des gens qui conçoivent des recettes de cuisine avec des ingrédients improbables, généralement des produits qui réclament de visiter une dizaine de magasins spécialisés ou exotiques, des composants très chers mais dont la recette n’exige qu’une seule cuillerée (bombée) avant que l’on en ait à nouveau besoin pour une autre préparation en 2027.
Ces individus travaillent en sous-main pour le lobby des fabricants de meubles, ravis de vendre tous ces placards qui serviront à ranger la farine de pois chiche, la pâte de tamarin et le vinaigre de datte et deviendront des hôtels cinq étoiles pour mites alimentaires, assurées de ne pas être dérangées pendant quelques années, le temps qu’on ait besoin d’une nouvelle cuillerée de farine de banane verte.
Peut-être se retrouvent-ils entre eux dans des réunions mensuelles de leur club étrange et chacun jette une idée d’ingrédient pour le mois suivant. Peut-être que quelqu’un dit : « Non, pas du vinaigre de cidre, maintenant tout le monde en a, du vinaigre de mangue, plutôt… » Peut-être qu’ils se font des paris entre eux (le premier qui place une cuillerée de spiruline dans sa recette !).
Toujours est-il qu’à cause d’eux, des clients voient leurs relations se dégrader avec le vendeur du Cocci Market du bout de la rue qui se sent pris de haut quand on lui demande : « Avez-vous de l’amidon de froment ? » A cause d’eux, aussi, chaque année, les gens qui déménagent doivent emballer la farine de châtaigne, le mirin, l’huile de sésame grillé, les baies de sumac et la sauce d’huître… dont les couvercles sont trop collants pour que l’on parvienne encore à lire la date de péremption (pour se déculpabiliser, les concepteurs de recettes aux ingrédients compliqués leur ont fait croire que ça se conservait longtemps).
A quoi on les reconnaît
Ils adorent rajouter des adjectifs : « tricolore » derrière quinoa, « jaune » derrière betterave, « fraîches » derrière feuilles de citron kaffir, « sauvage » après n’importe quel nom de fruit ou de légume. Ils affichent une nette prédilection pour les ingrédients que leurs lecteurs ne sauront pas prononcer au moment de les demander au supermarché (du pakchoï ? de la sauce Worcestershire ?). Ils s’assurent, avant de rédiger leurs recettes, que les ingrédients nécessaires soient issus de différents types de magasins de produits introuvables (de l’oca du Pérou et du pesto d’ail des ours). Et plus le produit est compliqué à trouver, plus ils imposent de n’en utiliser qu’une petite quantité (« une cuillerée à soupe de sirop de fleur de coco », « quatre feuilles d’oseille », « un zeste de combava »). Quand ils publient des recettes à base de restes, ce sont toujours ceux dont on sait quoi faire (avec des restes de brioche !), jamais ceux qui nous encombrent (après en avoir utilisé une cuillerée, on en fait quoi du kilo restant de farine de quinoa ?).
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