Juin, la saison des fêtes en plein air, des mariages, des barbecues… Les wedding planners et autres spécialistes en organisation, qui attribuent pourtant un temps exagéré à la réservation de la pompe à bière et à l’installation des chemins de table, négligent souvent une tâche chronophage : l’établissement par les hôtes de la liste des invités en fonction des dernières recompositions sentimentalo-familiales. Car voilà qu’en plus de demander aux convives s’ils ont des restrictions alimentaires il faudrait tenir compte de ceux qui ont des restrictions relationnelles.
Rien de nouveau, bien sûr, à ce qu’il y ait des séparations et des familles recomposées. Mais un demi-siècle de divorce pour tous a forcément abouti à en augmenter le nombre. Ceux qui se sont séparés sous Giscard peuvent désormais être les grands-parents des promis et ne pas souhaiter être dans la même pièce.
Le temps a passé, mais pas pour tout le monde à la même vitesse. Au XXe siècle, l’étiquette recommandait d’asseoir des jeunes mariés à la même table pendant leur première année de mariage. Le XXIe s’interroge désormais sur le nombre d’années de séparation après lesquelles on peut inviter d’anciens partenaires désormais supposés « prendre sur eux ».
Après le « qui va garder les enfants ? », certaines personnes séparées se sont aussi demandé qui allait garder les amis, surtout après des années de vie commune sous le régime de la communauté de copains réduite aux acquêts. Mais les invitations qui leur parviennent ne tiennent pas toujours compte de leur Yalta. Depuis qu’on s’est libéré des codes obligatoires, les affinités amicales pouvant être plus fortes que les liens familiaux, plus rien ne va de soi.
A quoi on les reconnaît
Les hôtes soutiennent qu’ils sont libres d’inviter qui ils veulent mais ils passent plein de coups de fil avant « pour prendre la température ». Ils répondent « évidemment » à toutes les questions de leurs invités même à ceux qui n’en posent pas. Ils considèrent qu’à se comporter comme si ce n’était pas un problème, il n’y en aura pas. Ils remplissent des feuilles Excel de noms d’invités avec différents niveaux de certitude. Ils se demandent que faire de ceux qui ne sont pas tout à fait séparés ou tout à fait unis. Ils sont convaincus, le lendemain des festivités, que tout s’est très bien passé.
Comment ils parlent
« On ne va pas dire qui vient. » « C’est pas à nous de prendre la charge de la précaution. » « Ils sont grands… » « Avec les ex, les nouveaux conjoints et les enfants des nouveaux, pour trente copains t’arrives vite à cent vingt personnes. » « Je leur ai envoyé les horaires de trains à tous les deux. » « Je ne veux pas être indiscret, mais vous pensez avoir besoin d’une ou deux chambres ? » « Mieux vaut ne pas faire de plan de table. » « On n’a qu’à l’inviter à l’apéro mais pas au dîner. » « Je n’aimerais pas qu’on décide à ma place de ce qui me dérange. » « Il y a un temps pour prendre ses aises et un temps pour prendre sur soi. » « Si les gens du nouveau “front populaire” arrivent à tenir dans la même pièce… ma belle-sœur et mon beau-frère devraient y arriver. » « Les réconciliations doivent bien commencer un jour ou l’autre. » « Il y a prescription, non ? » « C’est pas parce qu’elle dit que ça ne la dérange pas que c’est vrai. »
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