La cloche vient de sonner l’heure du déjeuner. Tandis que les élèves se précipitent à la cantine, Louise (certains témoins n’ont pas souhaité donner leur nom), 34 ans, professeure des écoles dans les Hauts-de-Seine, prend son téléphone et ouvre l’application Klassly, qui lui permet de communiquer avec les parents de ses élèves. Un autre travail commence, entre deux bouchées d’un repas vite avalé : poster quelques lignes sur les activités du jour de sa classe de maternelle à Rueil-Malmaison, agrémentées d’une poignée de photos. « Ecriture des chiffres en pâte à modeler, chacun sa technique ! Les enfants apprennent à utiliser la tablette en autonomie et prennent eux-mêmes leur travail en photo. » Sous le post apparaîtront, dans les heures qui suivent, les réactions enjouées des parents, à l’aide de cœurs, de pouces en l’air et d’applaudissements virtuels.
Quel parent n’a jamais rêvé d’être une petite souris pour observer en cachette son enfant à l’école ? Savoir ce qu’il a fait, quelles notions il a abordées, comment était la sortie au musée… au lieu, souvent, d’une réponse laconique voire d’un haussement d’épaules suivi des traditionnels : « Je m’en souviens plus », ou : « J’ai pas envie de raconter. » Depuis quelques années, c’est (presque) possible grâce aux applications destinées aux enseignants – telles que Klassly, TouteMonAnnée, Scolnet, etc. –, qui proposent aux parents une fenêtre virtuelle sur la vie souvent mystérieuse de leur progéniture, de la maternelle à l’élémentaire.
Pensées comme des réseaux sociaux, toutes offrent sensiblement les mêmes fonctions : un journal de bord, un carnet de liaison, un agenda et une messagerie, accessibles gratuitement sur smartphone (avec, parfois, des options payantes). Libre ensuite aux parents d’élèves de s’y inscrire – et aux professeurs de produire du contenu… hors du temps scolaire, le plus souvent. « On n’a pas le temps de poster pendant la classe, donc je le fais pendant les pauses ou après la classe, une ou deux fois au maximum par semaine », reconnaît Louise, l’enseignante.
« Friande » de ces petits récits « illustrés » dans un « lieu qui peut être parfois secret », Bérengère, 36 ans, responsable des achats à Angers, se dit « souvent étonnée de voir l’heure à laquelle [elle] reçoi[t] les notifications, le vendredi soir ou le week-end ». Cette mère de deux garçons de 4 et 7 ans, respectivement en petite section de maternelle et en CE1, regarde « régulièrement » les messages postés par les maîtresses de ses fils « dans le but de suivre leur scolarité et d’être réactive en cas de besoin ».
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