![Le père Matthieu et sa crèperie ambulante et solidaire, à Poitiers, le 17 avril 2024.](https://img.lemde.fr/2024/04/18/0/0/4032/3024/664/0/75/0/46537b8_1713428305319-img-8011.jpg)
Quand il ne célèbre pas des messes ou des mariages, le père Matthieu Le Merrer se voue à deux passions : le football et les crêpes. La première lui valait, il y a encore un an, de porter le brassard de capitaine de l’Espérance sportive de Saint-Benoît (Vienne), club de première division départementale. La seconde l’a conduit, cette année, à créer une crêperie ambulante, en mode food truck. Son surnom : « Frère Truck ». L’allusion paronymique au moine ami de Robin des bois n’est pas seulement cocasse : comme le frère Tuck de la forêt de Sherwood, ce prêtre diocésain de 39 ans entend « redonner aux pauvres ». En l’occurrence des crêpes « solidaires », inspirées par ses origines bretonnes.
Inaugurée début avril, sa remorque aménagée s’installe une fois par semaine – le mercredi ou le dimanche (après la messe) – dans le quartier des Trois-Cités, à Poitiers, sur le parking d’une boulangerie. Accompagné d’une bénévole affectée à l’encaissement, le père Matthieu joue de la spatule, quatre heures durant. Plus de deux cents unités sortiront de ses deux billigs en fonte, cet après-midi-là. La classique beurre-sucre est vendue 50 centimes, la caramel maison 1 euro. Posée non loin d’une icône religieuse et d’un Playmobil affublé d’une chasuble, une ardoise invite à payer le double du prix, afin d’en faire profiter un démuni, selon le principe du café suspendu, payé au bistrot pour un inconnu dans le besoin.
Mais le but est aussi d’échanger, de dialoguer, avec une clientèle croyante ou non, au gré d’une évangélisation discrète. En 2022, au moment de fêter les 10 ans de son ordination, le père Matthieu s’était interrogé sur le sens de son sacerdoce. « Je suis arrivé à la conclusion que ce qui me plaisait le plus dans mon ministère était les rencontres imprévues, non encadrées à l’avance, explique-t-il. Je ne voulais pas m’encroûter dans une dynamique cultuelle, ne pas m’enfermer dans mon église à attendre que les gens viennent, et pleurer s’ils ne viennent pas. » Guidé par l’encyclique Fratelli tutti, d’octobre 2020, du pape François sur la fraternité et l’amitié sociale, ce fils de sous-préfet, originaire de Trégastel (Côte-d’Armor), s’était alors dit qu’un food truck permettrait idéalement de concrétiser son « rêve d’une Eglise qui roule et qui va au-devant de tous ».
« Le cœur du projet, c’est la rencontre »
Deux années ont été nécessaires pour finaliser le projet. Il a fallu créer une association, lancer une cagnotte en ligne, pour financer l’acquisition non pas d’un camion, mais d’une remorque réfrigérée, achetée à une entreprise de traiteur de Poitiers (dont les obsèques du fondateur, mort en 2019, furent célébrées par le religieux). Mais aussi trouver un nom (avec l’aide des scouts du coin), puis un slogan (« La crêpe pour tous »), se former aux normes d’hygiène, obtenir l’aval de l’évêque de Poitiers…
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