Les klaxons, les photographes par centaines bloquant la circulation, la foule agglutinée devant les lieux des défilés de mode… C’est reparti pour un tour ! Jusqu’au 3 octobre, Paris déroule sa partition de collections de prêt-à-porter femme printemps-été 2024, après New York, Londres et Milan. Et le programme est pour le moins chargé : pas moins de 107 marques présentent leur vision féminine de l’été prochain, lors de défilés à gros budget ou de présentations plus intimistes.
Aux poids lourds que sont les grandes maisons du luxe – Dior, Balenciaga, Chanel… – s’agrègent de jeunes designers ou des labels confidentiels, comme Coperni, Atlein ou encore Weinsanto. A cela s’ajoutent des revenants, qui avaient délaissé le calendrier officiel le temps d’une saison ou plus – Mugler, Maison Margiela, Carven –, et des invités surprises comme la maison italienne Marni, qui défile habituellement à Milan, ou l’Américano-Vietnamien Peter Do, nouvel enfant chéri de la fashion week de New York.
L’aura de la capitale française s’est fait sentir dès le 26 septembre, avec les défilés Dior et Saint Laurent, deux des marques des groupes de luxe concurrents LVMH et Kering. Chez Dior, c’est sous une tente beige installée dans le jardin des Tuileries – face à la fan-zone de rugby, dans un parfait choc des cultures ! – que Maria Grazia Chiuri a présenté sa collection sous la chaleur de l’été indien parisien. Avec, comme d’habitude, un comité d’accueil conséquent à l’entrée, les jeunes fans espérant apercevoir leurs idoles, la chanteuse espagnole Rosalia ou Jisoo, du groupe de K-pop Blackpink.
Sous la tente, c’est une œuvre de l’artiste italienne Elena Bellantoni qui occupe tous les murs. Baptisée Not Her, cette installation vidéo parodie les publicités sexistes pour produits ménagers des années 1950 et 1960, en détournant les slogans, ou en délivrant des phrases revendicatives : « My body is not a product, it’s not a bargaining chip » (« mon corps n’est pas un produit, ni une monnaie d’échange »).
Convoquer le féminisme sur le podium n’est pas une nouveauté pour Maria Grazia Chiuri, qui, depuis ses débuts chez Dior, en 2017, s’entoure d’artistes femmes engagées pour imaginer le décor de ses défilés. Pour cette collection, l’Italienne invoque différentes figures de la femme puissante. « Le point de départ était de parler de l’image stéréotypée que nous avons de certains personnages, comme les sorcières mais également la Parisienne. Nous avons grandi avec ces images toutes faites, mais qui souvent ne montrent qu’une seule dimension de leur personnalité », décrypte la créatrice.
Avec, en tête, les images de Jeanne d’Arc, des sorcières de Salem, des femmes issues de la mythologie dotées de pouvoirs magiques, mais également de Madame Delahaye, qui fut la cartomancienne attitrée de M. Dior, la créatrice propose une collection certes sombre, mais délicate et poétique. Et démythifie au passage les références de la maison. « Il y a cette idée de la veste Bar, comme si M. Dior n’en avait fait qu’une seule ! Mais ce n’est pas vrai, elle était multiple. » Ici, elle est ceinturée, associée à une jupe ouverte et un chemisier blanc.
Portée par une recherche textile très poussée, Maria Grazia Chiuri s’est inspirée du travail de l’artiste italien matérialiste Alberto Burri, et propose de longs jupons en denim effilés, des vestes et des pantalons comme brûlés aux extrémités ou encore des manteaux droits qui apparaissent rapiécés. L’ésotérisme n’est quant à lui jamais loin. On le retrouve sur les bijoux qui reprennent les signes du zodiaque ou sur des trenchs et de jolies robes en dentelle, avec des broderies « lune » et « soleil ». Une collection riche de belles propositions.
« J’aime l’idée des femmes pionnières »
La figure de la femme puissante est également au centre du propos chez Saint Laurent, dans un genre radicalement différent. C’est dans le parc du Champs-de-Mars, avec vue sur la tour Eiffel, qu’Anthony Vaccarello a présenté sa collection, le 26 septembre en soirée. Les célébrités Kate Moss, Charlotte Gainsbourg ou Rosé, également du groupe de K-pop Blackpink, et les nombreux fans étaient au rendez-vous, ces derniers étant postés au pied de la majestueuse estrade en marbre clair qui sert de podium.
La voix de Catherine Deneuve a donné le coup d’envoi de la collection. L’actrice, au timbre reconnaissable entre mille, a ainsi détaillé quelques silhouettes : « Numéro 1 : combinaison saharienne en gabardine de coton dune. » L’effet est réjouissant.
Anthony Vaccarello, à la tête du style de Saint Laurent depuis 2016, s’est cette saison tourné vers les pionnières, des femmes telles que les aviatrices Amelia Earhart ou Adrienne Bolland, qui furent les premières à s’envoler dans les airs dans les années 1920. « J’aime bien l’idée des pionnières, celles qui ont ouvert la voie. Je vois la femme Saint Laurent comme cela. Elle est toujours celle qui fait en premier quelque chose, qui donne envie aux autres », explique le créateur.
Si le côté aviatrice se décèle dans les accessoires, comme les fines cagoules, c’est surtout le fil de la saharienne, cette chemise devenue une pièce culte imaginée par M. Saint Laurent en 1967, que le créateur s’attache à tirer tout au long de cette collection. En épurant le propos. Pas de liens qui enserrent le décolleté, mais une série de combinaisons pantalon simples et sublimes, en beige, blanc ou noir et façonnées dans un coton épais, portées avec des gants en cuir et de beaux bijoux.
On retrouve ce même coton sur des jupes, des manteaux, des chemises au col remonté et poches plaquées, portées avec des pantalons droits ou des pantalons cargo. « C’est la première fois que je travaille le coton. C’est une silhouette très simple. Tellement simple que parfois, pendant les essayages, je me disais que ce n’était rien ! Mais c’est compliqué de faire du rien », s’amuse le designer. Avec cette collection réussie, Vaccarello prouve que le rien peut parfois dire beaucoup.
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