En mode masculine, certaines couleurs sont-elles taboues, ou du moins difficiles à assumer ? Trois designers se sont penchés sur la question lors de cette saison masculine automne-hiver 2024-2025 qui s’est tenue à Paris du 16 au 21 janvier.
« Je voulais proposer des couleurs pastel parce que je pense que le marron, le bordeaux ou le bleu marine, c’était trop facile. Un homme qui porte du rose ou du jaune pâle a besoin de confiance en lui pour les assumer, et c’est cela que je voulais exprimer », explique Dries Van Noten. Le Belge injecte ici et là des teintes pastel et acidulées, avec un parfait sens du mélange : du jaune sur une veste d’inspiration workwear portée avec un pantalon beige, du rose bonbon sur un blouson zippé associé à un pull en maille grise, du bleu denim sur un trench-coat ceinturé.
L’allure n’est pas expérimentale pour autant, et reste ancrée dans le quotidien. On retrouve de parfaits manteaux en laine à double boutonnage, des vestes de costume aux manches retroussées, des blousons courts et zippés, des pulls en maille épaisse bouclée. Et des surprises dans les détails : des pulls dont les manches se dézippent ou des épingles à nourrice qui font office de bouton sur une chemise.
« Dans le monde occidental, le bleu est une couleur qui a longtemps été associée à la domination masculine, et j’aimerais que ça change », explique Pierpaolo Piccioli, qui fustige « le patriarcat ». Le designer de Valentino a donc défini une nuance de bleu qu’il décrit comme « bleu ciel » (en réalité plus proche du turquoise) et qui sert de titre et de cadre à sa collection présentée à la Monnaie de Paris, où les murs ont été recouverts de cette teinte joyeuse.
Chemise vermillon, pantalon pistache
Curieusement, le vestiaire n’en propose que par petites touches, venant animer une proposition plutôt sobre, une base de noir et de gris. Des pantalons de costume larges et courts sont portés avec des pulls, des polos ou des manteaux oversized en laine. L’allure oscille entre le formel (cravate, souliers en cuir, matières précieuses, broderies) et le streetwear (pulls à capuche et volumes XXL), sans choisir, ce qui la rend soluble dans à peu près tout type de situation, au bureau, à la maison, en soirée. Il n’est pas sûr que cette collection bouscule le patriarcat, mais elle correspond en tout cas à l’idéal de « douceur, fluidité et délicatesse » auquel aspire Pierpaolo Piccioli.
Après quatre ans d’absence, Balmain réapparaît dans le calendrier masculin, et Olivier Rousteing veut faire un « retour en force ». « J’avais envie de montrer un homme qui assume d’écouter son côté féminin. On dit souvent “la femme porte le pantalon de son mec, le manteau de son mec”, mais qu’est-ce que lui prend chez elle ? » Le designer lui a concocté une garde-robe à la fois moulante, colorée, bijoutée et dorée. « Glamour », résume-t-il.
Il associe les couleurs vives (chemise vermillon et pantalon pistache), les motifs (traces de rouge à lèvres et pois), transpose des photos chamarrées de l’artiste ghanéen Prince Gyasi sur des manteaux longs ou des vestes courtes, parsème de cristaux des cols roulés hypermoulants, imagine un trench plus brillant qu’un lingot d’or. On n’imagine pas très bien quel homme est prêt à s’habiller ainsi (pas même Olivier Rousteing, qui est plutôt adepte du monochrome noir), mais il faut reconnaître que la collection est cohérente et bien troussée. Et que, dans une saison dominée par la normalité et l’absence de prise de risques, sa proposition a le mérite d’être unique.
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