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L’historien Khémaïs Ben Lakhdar rhabille le luxe à la mode décoloniale

Dans un essai tranchant, l’historien décortique le concept d’appropriation culturelle. Il replace ce « pillage » dans le contexte du passé colonial de la France et invite les grandes maisons à davantage d’efforts.

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Publié le 21 avril 2024 à 06h30, modifié le 21 avril 2024 à 08h56

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Khémaïs Ben Lakhdar, au Bistrot des Colonnes, à Paris, le 2 avril.

Longtemps, Khémaïs Ben Lakhdar s’est rêvé en couturier débordé, fantasque et génial. « Un rêve avec Paris, Karl Lagerfeld, Anna Wintour, tous les poncifs », sourit aujourd’hui le chercheur de 30 ans. Il aurait suivi le chemin d’Yves Saint Laurent, son « grand maître sur terre ». Mais lorsque, après le bac, il se lance finalement dans des études d’histoire de l’art à la Sorbonne et choisit d’analyser la mode de son héros, son jugement se modère. « Je voyais bien que chaque fois qu’on parlait d’apports orientaux dans son travail, comme le caftan, la djellaba ou la blouse roumaine, c’était avant tout pour le mettre, lui, en valeur, comme un génie de la coupe et un esprit cultivé. »

Il remarque aussi que Paul Poiret, l’un des premiers grands couturiers, a fait sien des gilets chinois kanjian en 1903 ou des manteaux indiens choga en 1907, prétendant donner à ces formes traditionnelles une noblesse inédite. « Peu à peu, j’ai réalisé à quel point le phénomène pouvait être général : aucune information ne semblait préexister sur ces vêtements orientaux ni sur leur histoire, avant que tel ou tel grand couturier occidental ne s’en empare. » En somme, de la pure appropriation culturelle.

Un concept inflammable que le doctorant éclaire dans son premier livre, L’Appropriation culturelle – Histoire, domination et création : aux origines d’un pillage occidental, paru chez Stock le 10 avril. Ces deux mots, accolés, sonnent comme une virulente accusation et désignent l’emprunt d’éléments esthétiques par une marque occidentale à une culture étrangère, perçue comme minoritaire ou dominée, sans rétribution ni crédit.

Un blâme qui a foudroyé plusieurs maisons à compter des années 2010, de Valentino, pointé du doigt pour une collection inspirée par « l’Afrique sauvage, primitive et tribale » en 2015, à Gucci, dénoncé pour avoir fait porter des turbans sikhs à des mannequins blancs, en 2018. Pour avoir usé de motifs typiques de communautés autochtones mexicaines, Isabel Marant alla jusqu’à présenter des excuses publiques en 2020.

Khémaïs Ben Lakhdar, vouvoyant le lecteur pour mieux l’interpeller, a troussé un ouvrage accessible, court et érudit, qui s’absorbe d’une traite, savoureux et vif comme un alcool fort. Un décryptage argumenté mais qui ne se prive pas d’être mordant envers des maisons puissantes, de Dior à Dolce & Gabbana. « La raison d’être d’un historien n’est pas de brosser les marques de luxe dans le sens du poil (…) mais de rendre compte de faits historiques, complexes, qui peuvent entrer en contradiction avec le récit très léché des mythes de la mode », écrit-il.

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