Assez vite, on apprend à les repérer de loin, devenant presque fébrile quand il ne s’en montre aucun pendant deux ou trois kilomètres, soudain comblé dès qu’ils réapparaissent. Ces panneaux rectangulaires couleur bordeaux, barrés de l’inscription « Kattegattleden » (du nom du détroit du Cattégat que suit la piste) et d’une flèche, indiquent le chemin aux cyclistes. En rater un, c’est se condamner à l’errance dans les champs de maïs et les forêts de sapins. Les suivre, c’est s’offrir la possibilité de parcourir d’une pédale hardie la côte occidentale de la Suède. Du vaste réseau de pistes cyclables qui couvre le pays, la Kattegattleden est la reine : 390 kilomètres, de Göteborg, au nord, à Helsingborg, au sud ; une route côtière qui suit les plages et parfois s’en écarte pour aller musarder vers les champs et les forêts, et un balisage remarquable.
Le premier jour de notre voyage – simple mise en jambes – permet, sur une soixantaine de kilomètres, de sillonner les rues de Stockholm, la capitale, superbe assemblage d’îles et de canaux, et de pousser jusqu’au château royal de Drottningholm, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les affaires sérieuses démarrent plus loin, après un voyage en train qui nous conduit à Göteborg. Deuxième ville la plus peuplée de Suède, elle n’en est pas la plus belle, malgré le charme du vieux quartier Haga. Qu’importe : nous sommes à Göteborg… pour en partir. Et la sortie, qui passe par le port et sous un très grand pont, est, elle, alléchante.
A Jernholmen, c’est la première apparition de la mer, grise et calme comme dans une chanson de Jacques Brel. Le chemin passe tout près d’une plage facilement accessible. Arrêtons-nous : l’occasion sera plus rare par la suite, où l’eau sera souvent séparée de la piste par des marais ou de longues étendues herbeuses. Sur les bas-côtés poussent des roses, des lupins aux fleurs violettes, des boutons d’or. Parfois, c’est la vraie route, celle des voitures, que la piste côtoie, mais il est exceptionnel que les deux se confondent. Le partage avec les piétons est beaucoup plus fréquent. Qui ne quitterait jamais la piste pourrait croire que les Suédois ont trois activités dans la vie : courir, marcher avec des poussettes et promener des chiens.
Juste avant Kungsbacka, arrivée de la première étape, quelques vallons font tirer la langue. Comme pour se moquer de nos efforts, sans prévenir, les cieux s’assombrissent, tonnent et s’ouvrent, nous inondant d’une pluie presque tropicale. Les regards cherchent un abri, mais, autour de nous, ne s’ouvrent que des champs vierges de toute habitation. La pluie n’est heureusement pas froide et cette soudaine colère ne durera qu’un (long) quart d’heure. Kungsbacka est une bourgade petite, paisible, où de vieilles maisons et une jolie église sont regroupées autour d’une place centrale.
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