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Haute joaillerie : les perles confortent leur rang

En collier collerette chez Mikimoto, en bracelet de cheville chez Messika ou sur des bagues cocktail chez Buccellati, les perles ont émaillé les collections de haute joaillerie présentées à Paris, du 24 au 27 juin.

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Publié le 02 juillet 2024 à 14h00, modifié le 02 juillet 2024 à 15h13

Temps de Lecture 3 min.

Parure en perles Akoya, diamants et or blanc, de Mikimoto.

Des adolescents qui se piquent de versions en toc néo-punk aux stars des tapis rouges qui arborent des rangs symétriques, les perles connaissent un retour en grâce depuis cinq ans. Après avoir colonisé le prêt-à-porter de luxe (en étant l’objet de broderies chez Dior, Louis Vuitton ou encore Valentino ces deux derniers mois), les collections de haute joaillerie présentées à Paris, du 24 au 27 juin, segment le plus haut de gamme du marché de la bijouterie, ne résistent pas à cette vague.

« La perle n’est pas qu’une tendance : c’est aussi son aspect éthique qui séduit, car elle ne réclame pas d’excaver brutalement la terre, comme l’exigent les pierres », pointe d’entrée Toshikazu Tajima, le PDG de Tasaki. Boucle rectangulaire de perles et de gemmes fines comme des paniers d’huîtres, parure bleutée de tanzanites, saphirs ou aigues-marines comme un lagon, superposition de rangs de perles Akoya… La maison japonaise enrichit sa collection de pièces attendues, où la perle croise le diamant – « taillé et poli par nos propres ateliers », rappelle le patron.

Mikimoto, autre référence nippone dont la perle est la spécialité et inventeur, dès 1893, de sa culture, la travaille cette année en nœuds, mêlant Akoya (claire) et Tahiti (grisée). Résultat ? Place Vendôme, dans l’hôtel particulier d’Evreux aux moulures dorées, glisse un jeune homme en longue robe à traîne, le cou lesté d’une multitude de rangs et d’une volumineuse tanzanite. Voisinent des colliers hauts comme des collerettes imitant de très larges rubans noués ou bien un bijou de corps, où les perles tiennent toujours le rôle principal, qui habille le cou, le décolleté et dégouline jusqu’aux coudes…

Mais la perle, désormais, s’invite bien au-delà de ces spécialistes japonais. La voilà, par exemple, en bague ou en collier chez le joaillier milanais Pomellato. Après quelques parures multicolores fantaisistes aux pierres polies sans être aplaties, semblables à des galets imparfaits, le deuxième temps de la collection est largement dominé par la teinte grise, à travers des spinelles profonds et des perles de Tahiti. Ce gris, censé évoquer le ciel milanais plombé ou l’architecture de fer de la galerie Vittorio Emanuele II, s’avère peu à peu l’une des singularités du travail de Vincenzo Castaldo, le directeur artistique de la marque de Kering, qui ne propose de la haute joaillerie que depuis 2020. Quand les autres créateurs laissent le gris à distance, lui l’embrasse avec force.

Valérie Messika, elle, ose les perles pour la première fois avec de volumineux spécimens d’Océanie en double rang. Leurs reflets dorés résonnent avec les années 1970 débridées et disco au cœur de la copieuse collection qu’elle alimente depuis 2023. Par-delà les bagues ultra-réfléchissantes et les chaînes en or blanc poli façon miroir et pavées de diamants en veux-tu en voilà, des perles de turquoise, des perles Akoya ou des perles vertes de Sannan Skarn constituent diverses babioles mode pour hédonistes ultra-privilégiées : bracelets de cheville, bijoux de tête, broche pour col de chemise…

Diadème Art déco et boucles rococo

Chez Buccellati, magistral joaillier italien qui a fêté ce printemps son centenaire par une exposition anniversaire à Venise, les quelques nouveautés dévoilées sont présentées aux côtés d’archives afin de souligner la cohérence esthétique établie de génération en génération. Alvéoles, or « rigato » (strié pour suggérer le tombé d’un tissu), motifs byzantins et bagues cocktail… On reconnaît les signatures maison, mais la marque, rachetée par Richemont en 2019, rappelle aussi à dessein son passé dans les perles en exposant des bijoux historiques. Un diadème Art déco, des boucles rococo, et surtout de réjouissantes broches moins connues où les perles baroques composent le corps d’animaux : libellule dans les années 1930, papillon en 1965, lapin de profil en 2010.

Chez Chaumet, on rappelle opportunément, aussi, que Joseph Chaumet usait de perles baroques dès le début du XXe siècle, et qu’un salon de la maison, place Vendôme, était entièrement dédié aux enfileurs de perles. La propriété de LVMH révèle une collection inspirée par les arts du spectacle. Un collier en entrecroisement de cinq lignes pavées suggère une partition de musique désordonnée ; un autre, où rubellites et tourmalines bleues sont rhabillées d’or torsadé en d’infinies spirales, s’inspire des tourbillons d’un torride tango argentin.

Mais c’est un collier « négligé » – doté de pampilles asymétriques, qui peuvent ici faire penser à celles d’un lourd rideau de théâtre –, très graphique, en mosaïque de diamants et perles noires de Cortez, qui étonne le plus. « Cette pièce a beaucoup plu et s’avère une réussite commerciale, savoure le nouveau PDG, Charles Leung. Après tout, si les clients apprécient notre aptitude à leur proposer de très belles pierres précieuses [diamant, rubis, émeraude, saphir], notre créativité nous pousse à les amener vers d’autres gemmes ou matériaux. »

Plus convoitées que jamais, « les perles sont l’objet d’un approvisionnement qui se complique pour tout le secteur », constate Toshikazu Tajima, chez Tasaki, maison qui a l’avantage de détenir deux fermes perlières en propre au Japon et s’apprête à en ouvrir une troisième. « Et il m’en faudrait encore deux ou trois dans un futur proche…, reconnaît le PDG. Aux enchères, le prix des perles s’est envolé de 50 % par an ces cinq dernières années. Même à ce tarif-là, la demande demeure insatisfaite. » Il est toutefois peu probable que les perles se tarissent pour la haute joaillerie, milieu qui raffole de rareté et de préciosité. De même que les maisons sont jugées sur leur aptitude à sourcer les plus belles pierres, le futur est à celles qui avanceront les perles les plus singulières.

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