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« Allongée sur son petit lit, son carnet de plongée à la main, elle se demande si Olivier est le seul responsable de l’ambiance dégueulasse »

« La croisière voit rouge » (1/6). Tout l’été, la romancière Aude Walker nous embarque en compagnie d’une bande d’amis pour un huis clos étouffant à bord d’un voilier. Premier épisode : Zoé sature et s’isole.

Publié le 12 juillet 2024 à 17h00, modifié le 15 juillet 2024 à 15h16 Temps de Lecture 3 min.

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Dans sa cabine lilliputienne, partie droite de la proue, en forme, selon l’humeur, de lame de canif ou d’aile d’oiseau de haute mer, la seule aménagée de lits une place, forcément, bordés de draps à carreaux écossais hors sujet, dont les parois à peine fendues de hublots-meurtrières oblongs sont si proches qu’elles pourraient l’écraser, elle se retrouve enfin seule. Enfin, la mer se calme, enfin la nuit tombe, loin des autres ; ses amis qui dorment peut-être déjà dans les deux autres cabines du grand voilier Boréal de 15 mètres en aluminium sur lequel ils ont embarqué tous les cinq deux jours auparavant.

Elle sait que la chaleur est intenable, on est en mer Rouge, le grand Sud égyptien, mais son corps n’a pas l’air de métaboliser. Au dîner tout à l’heure, agglutinés les uns à côté des autres, Olivier, Audrey, Amal, Henri et elle, au creux du cockpit, tous autour de la tablette au centre de laquelle une volaille continuait de cuire sur son lit de riz, ils suaient tous à grosses gouttes, sauf elle.

La palme revenant à Olivier, dont la chemisette rose en éponge n’absorbait plus rien et qui continuait malgré tout à s’agiter au sujet de tout ce qui passait ; les épaves égyptiennes contro­versées, la situation politique dans la région, la consommation de produits pasteurisés quand on est enceinte ; arapède idéologique aspirant toutes les thématiques, surtout celles qui ne le concernent pas, exsudant son slime couleur assurance agressive, pour occuper tout l’espace, pour tout écraser, vraiment tout.

Première plongée depuis l’accident

Allongée sur son petit lit, son carnet de plongée à la main, elle se demande si Olivier est le seul responsable de l’ambiance dégueulasse, petit nuage de cendres toxiques qui volète au-dessus de leurs têtes, ce soir. Pourtant arrivé au bout de vingt-quatre heures de navigation chaotique, depuis le port de Marsa Alam, entre la houle, les sons métalliques et répétitifs, les fragilités intestinales des uns et des autres, les allocutions d’Olivier, la gueule de matonne d’Amal, ce dîner était vraiment désagréable. Et on n’est qu’à J2 (J −2) de cette croisière de plongée de huit jours ; ça va être long.

Sur ses genoux nus plus maigres que jamais, tirant sur le verdâtre tant l’année a été difficile, son sang sucé par son mari mal choisi et ses enfants bien nés, elle ouvre son carnet blanc de plongée tout en longueur estampillé FFESSM jauni par trente ans d’abandon dans un placard. Zoé, son prénom, est écrit en haut à droite au feutre noir, de l’écriture de ses 14 ans, son écriture qui, depuis, s’est à la fois compliquée et ramollie.

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