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« La raison pour laquelle il s’était accroché aux volets rouges, était là, assise, en hoodie blanc et minishort en viscose rose »

Chaque vendredi, la romancière Aude Walker imagine une fiction autour d’un objet, d’un lieu, d’un plat. Cette semaine, à travers ses persiennes, un Français vivant à Los Angeles découvre l’amour.

Publié le 23 août 2024 à 17h00 Temps de Lecture 3 min.

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Installer ce type de volets sur une maison de style espagnol dans ce quartier de Los Angeles, c’est un non-sens. Tout le monde lui a dit, répété, les professionnels comme les amis, ils ne sont pas adaptés, ni à la taille ni à la forme des fenêtres arrondies, larges à l’extrême. Trop fins, trop longs, trop fragiles. Un délire d’Européen, ils disaient, un sourire amusé et supérieur pendu aux lèvres. Ils ne se donnent même plus le mal de dire « un Français », son pays beaucoup trop petit et insignifiant à leurs yeux troués d’étoiles blanches, toujours plus gros que le ventre.

Au bout de quatre essais, quatre échecs, deux équipes de menuiserie différentes, des poignées de dollars cramées dans ses flammes idéalistes et lancinantes, même J. qui n’est pas le dernier seigneur au royaume des obsessionnels, avait fini par lui dire d’un ton hésitant mais nécessaire, affalé dans son canapé en cuir noir hérité de son grand-père, massif et animal, rien à voir avec le style hacienda, en roulant son premier joint de la journée : « Franchement, lâche l’affaire. »

Comme c’est le seul humain qu’il écoute et considère, depuis qu’il a installé ses guêtres tricolores par ici, que c’est le seul qui ressemble à peu près à un humain sur ce territoire ténébreux tourbillonnant autour de cercles infernaux en forme d’autoroute à cinq ou sept voies, aussi parce qu’il commençait à voir clair dans les silences empêtrés des autres autour de lui, qu’il s’y sentait comme assis au tribunal des célibataires, jugé pour remplir son grand fossé affectif avec cette épopée des volets rouges, à grandes pelletées de terreau nostalgique, il avait écouté. A moitié. Le fruit de la discorde coupé en deux.

Des rais sanguins à travers les volets

Il avait stoppé la machine, tout le monde était rassuré, mais il avait choisi dans leur dos de conserver la dernière version de ses volets. Même s’ils ne fermaient pas totalement, même si, chaque jour, le jour le réveillait. Mais il avait préféré se coucher plus tôt, plutôt que de faire installer des volets adaptés. Heureux chaque matin de voir le soleil devenir rais sanguins filtrant par les interstices.

Et puis, un matin, sans qu’il ait vu rien venir, après une rencontre murmurée quelque part dans la ville, la raison pour laquelle il s’était accroché aux volets rouges, était là, assise, en hoodie blanc et minishort en viscose rose, accoudée sur ses genoux comme un nœud marin parfait au milieu de ses jambes nues musclées avant et arrière, un corps de chien de combat, dont l’empreinte irradiait encore ses mains, tandis qu’il somnolait dans le lit derrière elle. Chez lui, à ses pieds, à sa fenêtre, elle buvait son café.

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