![Un policier monte la garde pendant qu’une agente de santé administre un vaccin contre la polio à une enfant à Peshawar, au Pakistan, le 27 juin 2022.](https://img.lemde.fr/2022/06/27/0/0/3900/2600/664/0/75/0/afd1284_ba797cbb46ee4be79a48ae5095a519bc-ba797cbb46ee4be79a48ae5095a519bc-0.jpg)
On y était presque. Durant quinze mois, le virus sauvage de la poliomyélite n’avait pas fait une seule victime. Pas une seule, alors qu’il paralysait plus de 1 000 enfants chaque jour il y a à peine trente ans. L’éradication tant espérée semblait à portée de main. Mais voilà, depuis le mois d’avril, pas moins de treize cas ont été rapportés dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, dans le nord-ouest du Pakistan, dont douze dans le seul district du Waziristan du Nord. Une zone frontalière avec l’Afghanistan, considérée comme une base arrière de divers groupes armés islamistes.
Une zone « très difficile d’accès et très dangereuse pour nos équipes », explique Aidan O’Leary, le directeur de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (IMEP). La preuve : le 28 juin, une nouvelle attaque a eu lieu dans ce district durant une campagne de vaccination en porte-à-porte, tuant un agent de santé et deux policiers qui escortaient l’équipe.
« Le rêve de l’éradication s’éloigne de plus en plus pour notre pays, se désole Shahzeb Khan, qui travaille pour le programme polio dans cette province du Pakistan depuis près d’une décennie. La plupart des cas recensés cette année ont eu lieu dans des familles qui refusent de coopérer avec nous. Certains parents craignent que le vaccin rende leurs enfants malades ou infertiles. Parfois, c’est une réaction contre le gouvernement, qui ne leur fournit pas d’emploi ou dont les infrastructures de santé sont jugées insuffisantes. » Pour d’autres encore, des raisons politiques les font s’opposer à ces programmes internationaux, financés par l’Occident.
Reproduction frauduleuse
Lors des campagnes en porte-à-porte, certaines familles cachent leurs enfants. Voire reproduisent frauduleusement la marque au feutre que les vaccinateurs appliquent sur l’ongle de l’auriculaire gauche des personnes recevant leur dose, pour les distinguer de celles qui restent à vacciner. Ces faux marquages se feraient parfois « avec la complicité des équipes locales de vaccinateurs, accuse le coordinateur national du programme d’éradication de la poliomyélite au Pakistan, le docteur Shahzad Baig. Les autorités ont pris des mesures contre les fonctionnaires faisant preuve de négligence, mais les dommages qu’ils ont causés ne peuvent être réparés ».
« Nous avons eu vent de ces faux marquages dans quelques zones restreintes, mais cela reste très minoritaire », tempère Aidan O’Leary, qui souligne qu’au niveau national, les taux de couverture vaccinale dépassent les 85 %. Une moyenne qui stagne depuis une décennie. Et qui cache l’existence de ces petites poches, telles le Waziristan du Nord, où moins de 10 % des enfants sont vaccinés. « C’est tout l’enjeu du programme : parvenir à toucher ces zones ultra-localisées où se concentrent des enfants non ou sous-immunisés », poursuit ce spécialiste des missions humanitaires. L’IMEP estime à environ 30 000 le nombre d’enfants « zéro dose » dans le Waziristan du Nord, et à un peu moins d’un million ceux dispersés ailleurs dans le pays. En Afghanistan, ces « zéro dose » seraient environ 500 000, essentiellement concentrés dans quelques provinces du Sud comme le Kandahar, l’Helmand et l’Oruzgan.
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