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Féminicide : vie et mort de Nathalie Tison, entre alcool, violence et misère sociale

Tuée à coups de cendrier par son compagnon en 2018, cette quadragénaire lourdement handicapée a été inhumée sans cérémonie dans le carré des indigents. Au procès de son conjoint Pascal Durdu, les 12 et 13 mars, personne ne s’est porté partie civile.

Par  (Bar-sur-Seine (Aube))

Publié le 12 mars 2020 à 01h50, modifié le 12 mars 2020 à 07h32

Temps de Lecture 6 min.

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Le cimetière de Bar-sur-Seine (Aube),  le 5 juillet 2019. Nathalie Tison y a été inhumée sans cérémonie dans le carré des indigents.

Ce lundi 5 février 2018, Nathalie Tison et Pascal Durdu ont mangé – un peu – et bu – beaucoup. Un soir comme tant d’autres que le couple passe devant la télévision. Elle, lourdement handicapée, est assise au sol, près de la table basse. Lui dans le vieux canapé de cuir marron. Ils se disputent, elle l’insulte. Elle le traite de « fils de pute », dira-t-il au juge d’instruction : « Ça n’est pas passé. »

Il saisit le lourd cendrier posé sur la table et la frappe à trois reprises, derrière et sur le côté du crâne. Il part ensuite se coucher, assure-t-il, en la laissant dans le salon. La mort de Nathalie Tison, 46 ans, n’est constatée que le lendemain midi par les pompiers. Elle gît dans une mare de sang au pied du lit conjugal.

Pascal Durdu, 53 ans, est jugé les 12 et 13 mars par la cour d’assises de l’Aube pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », l’intention homicidaire n’ayant pu être démontrée.

Dans la petite commune de Bar-sur-Seine (Aube), d’allure modeste malgré ses maisons à pans de bois, le décès de cette frêle brune a peu ému. Elle a été inhumée sans cérémonie dans le carré des indigents ; personne ne s’est porté partie civile au procès. « Elle était agressive, on évitait de la croiser », rapporte une Barséquanaise. « Ce n’était pas une femme à fréquenter, elle était toujours bourrée », lance une autre.

Nombreux signaux d’alerte

Nathalie Tison est morte dans l’indifférence, malgré d’innombrables signaux d’alerte, au terme d’une vie engloutie par l’alcool, la violence et un profond dénuement social. Elle a rejoint la longue liste des 121 victimes de féminicides conjugaux de l’année 2018 recensées par le ministère de l’intérieur. Dans un cas sur trois, l’auteur du meurtre avait consommé de l’alcool, qui constitue un des facteurs de risque des féminicides.

L’existence de Nathalie Tison est une longue descente aux enfers. « Sa famille était très dispersée, socialement à problèmes, notamment à cause de l’alcool », explique le maire, Marcel Hurillon, qui a été son professeur au collège. A 18 ans, lorsqu’elle accouche de Yoann – le premier de ses quatre enfants qui, tous, seront adoptés ou placés –, elle boit déjà quotidiennement.

Nathalie Tison avec deux de ses enfants, Morgan et Alison Durdu, à la fin des années 1990. C’est l’une des rares photos que les enfants ont de leur mère.

De leur enfance à Bar-sur-Seine, Alison et Morgan, ses deux enfants suivants, qu’elle a eus avec Laurent Durdu, le frère de Pascal, n’ont que des souvenirs flous, faits d’alcool et de cris. Ils sont retirés à leurs parents à l’âge de 7 et 8 ans, puis le couple se sépare. Nathalie rencontre alors Yohann Chaumette, avec lequel elle se marie. « A cette période, ça allait mieux, se rappelle sa fille Alison. Mais elle a replongé quand son mari est mort et que notre demi-sœur a été adoptée. » En 2011, la jeune veuve, rongée par la gangrène, est amputée d’une jambe et de doigts à la main droite. Elle a 40 ans. Elle ne se déplacera plus qu’en fauteuil roulant ou à même le sol dans son appartement.

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