« Non, non. Je ne suis pas monsieur Simian. » Devant les gendarmes de Ludon-Médoc, village de Gironde qui compte plus de ceps que d’habitants, le grand trentenaire brun, casquette enfoncée sur les yeux, jure qu’il est « représentant de commerce ». Difficile pour les militaires de ne pas douter : il porte aussi un masque de protection contre le Covid-19. Mais ce 30 août 2020, l’homme a oublié un détail. Son badge de l’Assemblée nationale, avec nom et photo, pend autour de son cou : « Benoit Simian », député de la 5e circonscription de la Gironde.
Malgré l’interdiction de se présenter au domicile conjugal, l’élu de 37 ans vient de tenter de pénétrer dans la propriété de Ludon-Médoc où vit son ex-compagne, Soraya Simian. Son excuse du jour ? Il doit vendre des pots de miel (son père est apiculteur) dans la petite dépendance située au fond du jardin dont il avait fait son bureau parlementaire. Face aux gendarmes circonspects, il change de stratégie. « Qu’est-ce que je fais là ? », demande-t-il, l’air vaporeux. Depuis de récentes séances d’hypnose, s’excuse-t-il, il souffre « d’amnésie ».
Ordonnance de protection
Cette saynète pourrait prêter à sourire. Pour la justice, elle est révélatrice d’une situation très préoccupante. Depuis le 3 août, l’épouse du député fait l’objet d’une ordonnance de protection, révélée par Mediapart, interdisant à son mari de l’approcher et d’entrer dans la maison. Le 10 septembre, elle s’est même vu confier un Téléphone grave danger, destiné à donner l’alerte en cas d’urgence. Mais la procédure ouverte pour harcèlement, elle, s’enlise. L’Assemblée nationale a refusé le 9 décembre la demande de la procureure de Bordeaux de lever l’immunité de ce membre de la commission des finances. Il ne peut pas être placé en garde à vue ni faire l’objet d’une perquisition. « Comme M. Simian a toujours répondu aux convocations, explique Annie Genevard, la députée Les Républicains du Doubs qui a présenté le dossier, le bureau a décidé à l’unanimité moins deux abstentions de ne pas lever son immunité. »
D’après les informations du Monde, M. Simian a pourtant tenté à diverses reprises d’échapper à ses auditions ou de les écourter. Il a esquivé durant plusieurs semaines la notification de l’ordonnance de protection lui interdisant de se rendre chez lui et a enfreint régulièrement cette décision de justice. « Avec le quart de ce qu’il a fait, n’importe qui aurait été placé en garde à vue, mais lui est protégé par l’Assemblée », soupire une source judiciaire.
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