![Le président de la République, Emmanuel Macron, dans un bureau de vote du Touquet (Pas-de-Calais), à l’occasion des élections européennes du 9 juin 2024.](https://img.lemde.fr/2024/06/10/0/0/3151/4724/664/0/75/0/a336e85_1717997992474-abacanewsroy-901779-021.jpg)
Une petite cellule. Elle travaillait discrètement, depuis plusieurs mois, à l’Elysée, sur le scénario périlleux d’une dissolution de l’Assemblée nationale. D’anciens conseillers d’Emmanuel Macron, ceux de la première campagne présidentielle ou d’autres partis travailler dans le privé puis revenus, tel son conseiller spécial Jonathan Guémas, étaient au parfum. Tout comme Alexis Kohler, l’indétrônable secrétaire général de l’Elysée, ou encore le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.
Moins d’une dizaine de personnes « au travail », confirme dimanche, ravi de ce coup de théâtre, le conseiller mémoire Bruno Roger-Petit – pour que « le secret tienne ». Et le secret a tenu, jusqu’à l’allocution d’Emmanuel Macron, dimanche 9 juin à 20 h 58, annonçant à la télévision, dans la foulée des résultats désastreux aux européennes, la dissolution de l’Assemblée nationale.
Les premiers temps, la petite équipe se contente de scruter les projections des sondeurs : entre 250 et 300 députés au Rassemblement national (RN) en cas de nouvelles élections législatives. Le risque est immense d’offrir au parti lepéniste la majorité absolue de 289 sièges et, en tout cas, de voir arriver au moins 162 parlementaires d’extrême droite supplémentaires au Palais-Bourbon.
Un choix qui s’impose
Au cœur de l’Elysée s’ourdit pourtant dans l’ombre le scénario qui pourrait propulser tout droit un RN victorieux aux rênes du pays, de Matignon aux ministères de la République. « Jamais Emmanuel, homme d’habitudes qui n’aime pas le désordre, ne prendra le risque de dissoudre », assurait ainsi au Monde une ministre une semaine avant le scrutin du 9 juin.
Malgré les sondages qui plaçaient la liste du camp présidentiel à peine au-dessus de celle du Parti socialiste, Emmanuel Macron faisait mine ou ne voulait pas croire au désastre. Il y a quelques jours encore, il rassurait tout le monde : « Vous verrez, on terminera entre 20 % et 22 % ! »
A l’entendre, la « séquence européennes » serait vite oubliée, balayée par les Jeux olympiques cet été, puis par une autre grande fête, la réouverture de Notre-Dame de Paris, en décembre. Mais voilà, le RN a engrangé, dimanche, plus du double des voix récoltées par la tête de liste Renaissance, Valérie Hayer, et tout se précipite : le scénario caressé depuis des mois s’impose brutalement, comme une fuite en avant.
« Le maître des horloges expliquera ces prochaines heures que ce scrutin ne signifie rien, qu’il est un défouloir et que la vie continue. Il ne se passera rien. On parie ? », défiait, dimanche, Pascal Praud dans sa chronique du Journal du dimanche. L’annonce de la dissolution n’a pas seulement pris de court la tête d’affiche des médias du groupe Bolloré. Comme les alliés de la majorité Edouard Philippe et François Bayrou, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, premier dans l’ordre protocolaire derrière le chef du gouvernement, a appris la nouvelle vers 19 h 15, lors d’une première réunion tenue à la hâte à l’Elysée. Le premier ministre, Gabriel Attal, avait installé son pupitre et des micros dans la cour d’honneur de Matignon pour une allocution qu’il n’a jamais prononcée. Malgré les appels répétés de sa tête de liste, Jordan Bardella, à la dissolution, le RN ne s’attendait pas non plus à repartir aussi tôt en campagne pour ces législatives, convoquées pour les 30 juin et 7 juillet.
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