L’étude conduite par des chercheurs toulousains et publiée début avril dans la revue Clinical Pharmacokinetics a-t-elle changé le regard des autorités sanitaires sur les patients qui prennent du Levothyrox ? « Certes, nous sommes loin d’avoir toutes les explications, mais nous avons constaté une meilleure écoute et une prise de conscience de la gravité de la perte de confiance à l’égard des autorités », a souligné, mardi 2 juillet, Beate Bartès, présidente de l’association Vivre sans thyroïde (VST), à l’issue du 6e comité de suivi sur la lévothyroxine, qui s’est tenu pour la première fois sous l’égide du directeur général de la santé Jérôme Salomon.
Commercialisé par Merck, le Levothyrox est au cœur d’une polémique à la suite du changement de formule intervenu fin mars 2017. Pas moins de 32 000 signalements d’effets indésirables ont été déclarés. Quelque 3 millions de personnes prennent de la lévothyroxine, indiquée principalement comme traitement substitutif d’une hypothyroïdie.
Les chercheurs toulousains avaient repris les données de l’essai de bioéquivalence mené par le laboratoire Merck et transmis à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à l’appui du changement de formule. Ils avaient montré que les deux versions du Levothyrox n’étaient pas substituables pour tous les patients. Selon leurs résultats, environ 60 % d’entre eux pourraient réagir différemment à la nouvelle formule du médicament, par rapport à l’ancienne.
Dispersion des réacions individuelles
Le hiatus est réglementaire : le laboratoire Merck avait conduit – conformément aux exigences réglementaires européennes – un test garantissant une équivalence moyenne, sur un ensemble d’individus (environ 200 sujets avaient été inclus dans l’essai). Mais, pour un médicament à marge thérapeutique étroite comme le Levothyrox, la dispersion des réactions individuelles peut être masquée par un tel protocole expérimental. La réanalyse statistique de ces données, proposée par les chercheurs toulousains, a mis en évidence cette dispersion, proposant une explication aux dizaines de milliers de signalements d’effets indésirables survenus depuis le changement de formule.
« Le sérieux de notre analyse a été mis en cause par certains parce qu’elle a été publiée dans la section “Current Opinion” de la revue, un peu comme s’il s’agissait d’une tribune de presse », explique Pierre-Louis Toutain (université de Londres), coauteur de l’étude. Peu après la publication, cet élément de langage a en effet été fortement relayé sur les réseaux sociaux et repris dans la presse. « C’est ridicule : les travaux publiés dans cette section portent sur des domaines où il existe un débat mais ils ne sont acceptés et publiés qu’après révision par les pairs [expertise préalable], ajoute le chercheur. Si l’on veut jouer à cela, on peut aussi bien rappeler que Merck a publié son étude de bio-équivalence dans une revue qui s’intitule Current Medical Research and Opinion ! »
Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.