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Papillomavirus : pourquoi la vaccination des garçons est-elle aussi essentielle ?

Bien que longtemps associés à des problèmes féminins, les HPV concernent aussi les hommes, et la vaccination est le seul moyen de lutter contre leur transmission. Chaque année, ils sont responsables de plus de 6 000 nouveaux cas de cancer.

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Publié le 06 octobre 2023 à 10h00, modifié le 06 octobre 2023 à 12h14

Temps de Lecture 4 min.

La semaine du 2 octobre marque le début d’une campagne de vaccination gratuite contre les papillomavirus humains des élèves de 5e dans les établissements scolaires, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron en février. L’objectif fixé est d’au moins 30 % de ces élèves vaccinés au collège à la fin de l’année scolaire. Selon Santé publique France, 47 % des filles de 15 ans avaient reçu une première dose en 2022 (contre 45 %, en 2021), et seulement 12,8 % des garçons du même âge (6 %, en 2021).

Les papillomavirus, des virus qui touchent aussi les hommes

Longtemps associés à des problèmes exclusivement féminins, les papillomavirus humains (ou HPV, de l’anglais human papillomavirus) concernent également les hommes. Une étude parue en août dans la revue The Lancet Global Health a montré que 31 % des hommes de plus de 15 ans seraient atteints par au moins l’un de ces virus, et 21 % seraient porteurs d’un HPV à haut risque, c’est-à-dire potentiellement oncogène.

Les HPV appartiennent à une famille de virus comptant plus d’une centaine de variantes, dont une quinzaine sont considérées à haut risque.

Les papillomavirus humains sont la première cause d’infection sexuellement transmissible, l’usage de préservatifs ne permettant pas d’éviter la transmission. Cette dernière se fait par contact avec la peau et les muqueuses, le plus souvent donc lors de rapports sexuels, avec ou sans pénétration. Les HPV étant particulièrement contagieux, une majorité des hommes (91 %, selon une étude menée aux Etats-Unis en 2014) et des femmes (85 %) sexuellement actifs seront infectés à un moment de leur vie.

Il n’existe pas de traitement. La plupart du temps, l’organisme élimine le virus dans l’année suivant l’infection, mais il est possible que cette dernière induise des lésions précancéreuses pouvant évoluer vers un cancer. Chaque année, les HPV sont à l’origine de plus de 6 000 nouveaux cas de cancers, parmi lesquels 2 900 cancers du col de l’utérus provoquant plus de 1 000 décès. Les HPV sont aussi à l’origine tous les ans de 1 500 cancers de la sphère ORL, 1 500 de l’anus, 200 de la vulve ou du vagin et d’une centaine de cancers du pénis. Environ 1 750 de ces nouveaux cas sont détectés chez des hommes, et 4 580 chez des femmes.

Qui peut se faire vacciner et avec quels résultats ?

Le vaccin contre les papillomavirus humains n’est pas obligatoire, mais il est recommandé depuis 2007 chez les jeunes filles de 11 à 14 ans. Jusqu’en 2021, seules ces adolescentes, ainsi que, à la marge, les personnes avec un déficit de leur système immunitaire et les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes étaient concernés par la vaccination. Depuis janvier 2021, la recommandation de vaccination concerne également les jeunes garçons, dans la même tranche d’âge.

A ce jour donc, filles et garçons peuvent être vaccinés selon un schéma à deux doses – trois si la vaccination intervient entre 15 et 19 ans. Un rattrapage pris en charge jusqu’à 26 ans est possible uniquement pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. A partir d’octobre 2023, une campagne généralisée et gratuite doit permettre à des élèves de 5e de se faire vacciner dans leur collège, avec l’accord des deux parents. Par ailleurs, depuis un décret d’août 2023, pharmaciens et infirmiers peuvent prescrire et administrer les vaccins obligatoires et recommandés sans autorisation préalable du médecin traitant.

Il a été prouvé que le vaccin contre les HPV était efficace pour prévenir à la fois les lésions précancéreuses et les cancers, assure Judith Michels, oncologue médicale à Gustave-Roussy et membre du Groupe HPV créé au début de 2023. Une étude suédoise portant sur le cancer du col de l’utérus a montré en 2020 que le risque de cancer chez les participantes vaccinées avant 17 ans était dix fois inférieur à celui de participantes qui ne l’avaient jamais été. Avec une vaccination plus tardive, entre 17 et 30 ans, le risque reste deux fois et demi inférieur.

En Australie, où la couverture vaccinale a presque atteint 80 % chez les hommes et les femmes en 2022, le taux de personnes infectées par les HPV est passé de 22,7 % sur la période 2005-2007 à 1,5 % en 2015 chez les jeunes femmes de 18-24 ans. Dans les quatre ou cinq années qui ont suivi le lancement de la vaccination, le nombre de lésions précancéreuses a par ailleurs baissé de 34 % chez les femmes âgées de 20 à 34 ans.

Quelles sont les raisons du retard de vaccination des hommes ?

Si près de quinze ans séparent les recommandations de vaccination chez les filles et chez les garçons, c’est notamment parce que les papillomavirus ont été assimilés à des problèmes de santé féminins. De fait, les cancers induits par des HPV représentent 5 % des cancers dans le monde, dont 90 % touchent des femmes. Au lancement de la vaccination, à la fin des années 2000, l’accent a été mis sur le cancer du col de l’utérus, causé à 99,7 % par des HPV.

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Depuis, « avec les changements de pratiques sexuelles, ces cancers atteignent d’autres zones », explique Judith Michels. Alors que les cancers oropharyngés – voies orales, comme la langue ou la gorge – étaient principalement causés par la consommation d’alcool et de tabac, « les HPV en sont désormais à l’origine dans 50 % des cas ». Par ailleurs, l’incidence de ces cancers a augmenté en Europe et aux Etats-Unis, surtout chez les hommes – « il y a trois à cinq fois plus de cancers oropharyngés chez les hommes que chez les femmes », relate l’oncologue.

D’où l’importance de la vaccination de toute la population. L’oncologue médicale à Gustave-Roussy appelle même à s’aligner sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui préconise le vaccin dès 9 ans pour tous. Les études le démontrent : plus la vaccination est précoce, plus elle est efficace. Elle devrait cependant « être indépendante de l’orientation sexuelle » des patients, avance Judith Michels, qui remet en cause l’autorisation de rattrapage jusqu’à 26 ans réservée aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

Le gouvernement vise 80 % de vaccination des 11-14 ans d’ici à 2030. En jeu, « l’éradication des maladies induites par les HPV », résume Judith Michels, citant une étude australienne présentée au congrès international des HPV, Eurogin, et prévoyant la disparition des cancers induits par des papillomavirus dans quatre-vingts ans si toutes les femmes étaient vaccinées, et d’ici quarante ans si hommes et femmes recevaient le vaccin.

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