![Campagne de vaccination au Pakistan, en juillet 2020.](https://img.lemde.fr/2020/08/31/0/0/3345/2230/664/0/75/0/722bd0b_297507791-000_1VH4TB.jpg)
Dans toutes les courses de fond, il faut de petites victoires intermédiaires. Pour tenir la distance. En voilà une qui marquera l’interminable marathon vers l’éradication de la poliomyélite : l’élimination du virus sauvage du continent africain, « l’une des plus grandes réalisations de santé publique de notre temps », a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le 25 août. C’est la cinquième région du monde à obtenir ce sésame, après les Amériques en 1994, le Pacifique occidental en 2000, la région européenne en 2002 et l’Asie du Sud-Est en 2014.
« C’est un succès considérable, surenchérit Michel Zaffran, directeur du programme d’éradication de la poliomyélite à l’OMS. Les derniers cas repérés en 2016 se trouvaient au Nigeria, dans les zones contrôlées par Boko Haram. Nous avons réussi à répondre rapidement, dans des conditions très difficiles, pour empêcher le virus de se répandre de nouveau. » Désormais, il ne circule plus que dans deux pays : le Pakistan et l’Afghanistan.
Racontée ainsi, la victoire, même intermédiaire, paraît magnifique. Mais la réalité sur le terrain est beaucoup plus sombre : au 27 août, 423 cas de paralysie poliomyélitique étaient déjà recensés dans le monde, contre 134 à la même période l’an passé. Et encore, « à cause de la pandémie de Covid-19, la surveillance dans certains pays est affectée, le bilan pour 2020 est probablement sous-estimé », souligne Michel Zaffran. Celui-ci risque ainsi de nous replacer au niveau des années 2010, lorsque le nombre de cas annuels dépassait les 600…
Comment comprendre un tel bilan ? Comment expliquer les 200 cas de paralysie en Afrique, dont 13 récemment rapportés au Soudan, alors que l’OMS vient d’annoncer l’éradication du virus sur ce continent ? Ces cas ne sont pas liés au virus sauvage de la poliomyélite, mais à des souches de virus issus des vaccins oraux.
Effet collatéral
Les virus contenus dans les formulations orales du vaccin Sabin (du nom de son inventeur) ont certes été atténués en laboratoire, mais ils n’en restent pas moins vivants. Au départ, cette caractéristique représentait un immense avantage : en déclenchant une production d’anticorps directement dans les intestins, ce vaccin permet de neutraliser le virus dès son entrée dans l’organisme, empêchant non seulement la paralysie mais aussi sa transmission. Le vaccin Salk, utilisé en France, contient, quant à lui, des virus tués, injectés en intramusculaire. Insuffisant pour entraîner cette immunité dite mucosale, à l’intérieur des intestins. D’où l’utilisation du vaccin oral dans les pays où le virus circule encore, dans une perspective d’éradication.
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