Accoucher par voie basse comporte toujours, au XXIe siècle, des risques pour la mère et l’enfant à naître, notamment quand le fœtus n’est pas correctement placé dans l’utérus. Mais ce risque est inégalement réparti sur la planète. Alors que dans le monde 98 % des enfants mort-nés sont recensés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, une équipe de chercheurs multidisciplinaires (ingénieurs et cliniciens), au centre Weiss de l’University College de Londres, a imaginé un gant innovant pour diminuer les risques de néomortalité : connecté à un smartphone, le gant est conçu pour permettre aux futures sages-femmes de s’entraîner sur un prototype de tête de fœtus et de différencier l’arrière et l’avant du crâne par simple toucher, en fonction notamment de la position des fontanelles et des sutures du crâne représentées par des zones souples. Ce projet, dont la partie connectée a été imaginée pour être accessible au plus grand nombre de pays, est décrit dans la revue Frontiers in Global Women’s Health du 30 janvier.
« L’obstétrique est la spécialité parfaite pour ce gant, car l’examen vaginal interne est subjectif et peut être sujet à des erreurs », explique l’obstétricienne et gynécologue Shireen Jaufuraully, autrice principale de la publication. « Nous devons savoir de quel côté le bébé est orienté afin de pouvoir placer en toute sécurité des instruments sur lui si une aide est nécessaire pour le mettre au monde. »
Le projet, à l’étape de « prototype préliminaire », a nécessité plus de deux ans de recherche et doit maintenant être « amélioré par de multiples itérations », poursuit Shireen Jaufuraully. « Dans les prochains mois, nous allons réaliser une étude en laboratoire où nous inviterons des obstétriciens de différents niveaux à tester le gant sur les modèles de têtes. Après les améliorations qui en découleront, nous espérons être en mesure de réaliser une première étude sur l’homme à l’University College Hospital de Londres. » La praticienne précise que l’objectif, à plus long terme, « est que cette approche soit universalisée, afin d’améliorer la sécurité et la formation en matière d’accouchement opératoire ».
La sociologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) Clémence Schantz, également sage-femme, estime de prime abord qu’il ne faut pas minimiser « le vrai savoir clinique lié au toucher qui existe, par exemple, dans de nombreux pays africains » . Elle-même, précise-t-elle, a pu en bénéficier lors de son arrivée au Burkina Faso, en 2004, quand elle a dû « réapprendre à travailler alors qu’il n’y avait quasiment pas de technologie pour entendre par exemple les battements de cœur du fœtus ». Pour autant, cette observatrice avertie reconnaît qu’il existe dans les pays à faibles revenus un problème de mortalité néonatale multifactorielle, notamment par défaut de formation. Si ce prototype se développe et devient un outil, estime-t-elle, « il pourrait permettre aux étudiantes et étudiants d’acquérir une base ou un minimum de savoir clinique avant de passer aux touchers vaginaux sur les parturientes [femmes sur le point d’accoucher] ».