Ils sont anesthésiste, chirurgien, obstétricien… Certains ont terminé leurs dix ans d’études supérieures depuis peu, d’autres ont des années de pratique. Mais tous ont plongé sans l’avoir anticipé dans le monde des start-up pour une même finalité : répondre à un besoin médical dans leur spécialité à l’aide d’un outil d’intelligence artificielle (IA).
Qu’il s’agisse d’une application conçue par une chirurgienne afin d’utiliser une photo prise par un smartphone pour analyser la compatibilité d’un greffon de foie ou d’un examen de sang pour mieux évaluer les risques postopératoires d’un patient mis au point par un anesthésiste, ces innovations viennent du terrain. Elles sont « bottom-up », comme le disent les Anglo-Saxons, et, de fait, « à l’opposé de certaines démarches opportunistes pensées par des ingénieurs à partir des données de santé, sans savoir s’il existe un besoin médical précis ou si celui-ci est une priorité. De nombreux projets d’IA sont encore rendus possibles uniquement par l’écosystème financier », constate le radiologue spécialisé en oncologie Antoine Iannessi, cofondateur, en 2013, de la start-up Therapixel.
Les projets de ces médecins entrepreneurs utilisent différents types d’IA, de l’apprentissage machine (dit aussi « machine learning ») aux réseaux de neurones (dits « deep learning ») en passant par la plus récente, l’IA dite « générative » (comme le très médiatique agent conversationnel ChatGPT, lancé en novembre 2022).
Tandis que Geoffrey Hinton, un des pionniers de l’IA moderne, vient de démissionner de son poste chez Google pour pouvoir s’exprimer librement sur le développement fulgurant de cette technologie dont « les futures versions pourraient être un risque pour l’humanité », dit-il, et que certains acteurs de la société et des sciences plaident pour une pause dans les recherches, ces médecins entrepreneurs mettent simplement en avant leur objectif de mieux soigner. Le neuroradiologue Arnaud Attyé, cofondateur de GeodAIsics, ajoute même que son statut de start-upeur est une façon d’amener « la déontologie médicale et le serment d’Hippocrate dans le milieu de l’entreprise ».
En se lançant, ces spécialistes peuvent être conduits à quitter partiellement leur pratique et s’entourent de compétences complémentaires, notamment d’ingénieurs. Un brassage de cultures « rendu désormais plus facile en France », constate Antoine Iannessi. « Ce peut être lié à un changement générationnel, mais cela vient également de la place du monde des données, devenu central dans la santé, estime-t-il. La médecine est de plus en plus biotechnologique et voit arriver des formations mixtes pour répondre à ces besoins. Les ingénieurs vont vers la santé, et vice versa. »
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