Notre rythme effréné nous empêche trop souvent de faire une pause, un arrêt sur image, simplement pour contempler le monde autour de nous. Admirer un ciel, un sourire, une lumière particulière ou encore une œuvre d’art nécessite, en effet, de passer du mode « apprentissage » au mode « esthétique ».
Le mode « apprentissage » est marqué par un souci d’efficacité et une optimisation de nos capacités attentionnelles, mnésiques et, plus généralement, intellectuelles. Le mode « esthétique », quant à lui, n’obéit pas aux mêmes lois. Lorsque nous nous offrons un moment de contemplation, notre attention ne se focalise que sur un seul objet, que nous admirons de manière tout à fait désintéressée, simplement pour ses qualités esthétiques ou pour l’émotion qu’il fait naître en nous, sans aucune arrière-pensée concernant un objectif d’efficacité.
Et pourtant… s’arrêter pour admirer la beauté autour de nous pourrait bien être un sérieux moteur à l’apprentissage. Ainsi, Pietro Sarasso et ses collègues de l’université de Turin n’hésitent pas à faire l’hypothèse que si le plaisir de la contemplation s’est développé au cours de l’évolution, c’est peut-être parce qu’il nous permet d’arrêter nos actions pour nous concentrer sur la perception, éprouver du plaisir et, au bout du compte, mieux mémoriser ce que nous avons devant les yeux. Cette hypothèse est confortée par le fait qu’il existe une forte association entre l’appréciation esthétique et l’activation des circuits dopaminergiques liés à la récompense.
Etre suffisamment disponible
Prendre du plaisir pour mieux apprendre… voilà donc une piste intéressante ! La même équipe a d’ailleurs confirmé par la suite que l’on apprend plus facilement et que l’on retient bien mieux ce qui nous plaît. Ainsi, l’écoute d’un morceau de musique que l’on aime s’accompagne d’une mémorisation implicite, inconsciente, qui possède de plus une signature cérébrale que les auteurs retrouvent en mesurant l’activité électrique du cerveau.
Nous devrions donc user et abuser de moments de contemplation pour doper notre mémoire et notre attention, mais, pour cela, encore faudrait-il pouvoir être suffisamment disponible pour adopter ce « mode esthétique ». Car, malheureusement, comme Rosalie Weigand et Thomas Jacobsen, de l’université de Hambourg, l’ont récemment montré, nous sommes la plupart du temps trop sollicités par toutes les tâches que nous réalisons en parallèle pour nous accorder un moment de contemplation.
Dans une étude publiée en 2021, ces chercheurs ont ainsi demandé à cent quinze sujets de mesurer pendant deux semaines, tout à la fois leur charge mentale (à travers la sollicitation de leur mémoire de travail), le nombre d’expériences esthétiques vécues et le niveau de plaisir qui y était associé. Les résultats sont clairs. Plus la charge mentale est élevée, moins les sujets font l’expérience d’un moment de contemplation et moins celui-ci procure du plaisir.
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