Permettre à une personne paraplégique de contrôler sa marche par la pensée ; aider une femme handicapée à s’exprimer par ordinateur interposé ; donner à un enfant, atteint de la maladie de Charcot, la possibilité d’alerter sa famille en actionnant à distance l’interrupteur dans sa chambre… Ces dernières années, des équipes de chercheurs ont prouvé qu’il était possible, dans certaines conditions et à l’aide d’un équipement ad hoc, d’aider une personne fortement handicapée à agir ou à communiquer à l’aide de son unique volonté.
« Cette discipline dénommée “interface cerveau machine”, qui rassemble des compétences transversales, médicales, neuroscientifiques, informatiques et technologiques, évolue dans le monde académique depuis une vingtaine d’années », précise le professeur Philippe Domenech psychiatre et chercheur en neurosciences computationnelles à l’Institut de neuromodulation (Inserm, CEA-Neurospin).
Pour arriver à ces résultats, il a fallu lire dans le cerveau. Des volontaires ont porté des dispositifs non invasifs (bonnet d’électrodes, lunettes sensibles…) ou se sont vu implanter de façon chirurgicale des capteurs. Leur activité cérébrale a ainsi pu être décodée par un ordinateur, qui a ensuite transformé leur volonté en commande. Les dispositifs non invasifs permettent d’obtenir des commandes simples (allumer, éteindre, appuyer sur une touche de clavier). Les dispositifs invasifs, qui ont accès à des informations cérébrales plus précises, ont permis d’obtenir des commandes plus sophistiquées.
L’équipe du professeur Grégoire Courtine, du laboratoire NeuroRestore – sous la houlette du centre hospitalier universitaire vaudois, de l’université de Lausanne (Suisse) et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) –, a franchi une étape supplémentaire en permettant, en 2023, à une personne tétraplégique de marcher. Les implants cérébraux ont été couplés « à un autre système implanté, un stimulateur qui permet de réanimer les muscles paralysés, précise le neuroscientifique. Il s’agit vraiment de réparation du système nerveux central avec la création de ponts numériques ».
Pour la neurochirurgienne suisse Jocelyne Bloch, qui codirige NeuroRestore avec le professeur Courtine et a opéré ce patient, « nous ne sommes plus dans de la recherche fondamentale, mais de la recherche appliquée avec études cliniques [sur l’homme]. Cependant, aucun traitement officiel ne peut encore être acheté ou remboursé par une assurance ».
L’équipe suisse qui a, depuis, opéré un deuxième homme tétraplégique, cette fois-ci pour réparer le fonctionnement de son bras, s’apprête à de nouvelles interventions de restauration de la marche. Ces chercheurs ont enregistré « des heures et des heures d’activité cérébrale », précise le professeur Courtine, pour nourrir un algorithme d’intelligence artificielle, afin d’être plus rapide et efficace pour décoder les signaux.
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