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Ces artistes qui créent en l’absence d’images dans la tête

Certaines personnes n’ont pas la capacité de recréer et ressentir mentalement des images, des sons, des odeurs, des textures… Cette aphantasie n’empêche pas certaines d’entre elles de s’adonner à l’expression artistique.

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Publié le 13 mai 2024 à 17h30, modifié le 13 mai 2024 à 17h35

Temps de Lecture 3 min.

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« Aphantasia » (2018) est une réinterprétation du « Radeau de la méduse » de Théodore Géricault, par l’artiste digital Andrew Bracey.

Le recours à l’étymologie grecque a ses charmes, mais peut parfois être trompeur. Adam Zeman, qui a ainsi inventé le terme « aphantasie », est tout disposé à le reconnaître. Ce neuroscientifique britannique (universités d’Edimbourg et d’Exeter) a proposé ce mot en 2015 pour désigner une incapacité ou une réduction de la faculté de (re)créer mentalement des images visuelles, mais aussi de revivre intérieurement d’autres expériences sensorielles – sons, odeurs, textures… Il l’a forgé en apposant un « a » privatif à « phantasia », l’« imagination », définie par Aristote comme la possibilité pour une image ou une représentation mentale de se présenter à nous.

Pour autant, insiste-t-il, « il est important de préciser que les personnes aphantasiques ne sont pas dépourvues de créativité ». Il cite ainsi l’ex-patron du studio d’animation Pixar Ed Catmull et Glen Keane, le créateur de la Petite sirène pour Disney, ou encore Oliver Sacks, célèbre neuropsychiatre. Et invite à visiter en ligne une exposition hébergée par l’université de Glasgow rassemblant des œuvres de personnes aphantasiques et hyperphantasiques – celles qui, à l’autre extrémité du spectre, sont assaillies d’images mentales si vivaces qu’elles ont parfois du mal à les distinguer de la réalité.

Cette exposition est née fortuitement, d’une étude lancée par l’équipe d’Adam Zeman auprès de personnes aphantasiques. « On a reçu des réponses de gens qui étaient artistes, ce qui était assez inattendu », se souvient Matthew MacKisack, qui avait été recruté par ce laboratoire pour écrire une histoire intellectuelle de l’imagerie. Avec la plasticienne Susan Aldworth, il s’est alors mué en commissaire de la future exposition, dont ils ont ensuite tiré quelques leçons dans la revue Art Journal.

« Le romantisme et toute une tradition de l’histoire de l’art nous ont légué un stéréotype selon lequel l’artiste doit être un visionnaire, qui transfère sur la toile ce que lui montre son œil intérieur, rappelle Matthew MacKisack. Les artistes aphantasiques affaiblissent ce stéréotype. »

« Une étincelle d’idée »

Quand on regarde l’exposition « en aveugle », il est difficile d’identifier les œuvres qui auraient été produites par des personnes aphantasiques. « La grande différence, c’est que les hyperphantasiques disaient toujours savoir ce qu’ils allaient réaliser avant de se lancer – une tapissière avait déjà fait le tissage dans sa tête avant même de commencer », indique Matthew MacKisack.

C’était le contraire pour les aphantasiques. Les témoignages accompagnant l’exposition sont à cet égard éclairants. Susan Baquie décrit la naissance d’un collage réalisé en 2011, alors qu’un proche venait de se suicider. « Comme je suis aphantasique, il n’y a aucune image dans mon esprit des événements pénibles, écrit-elle. Mais il semble qu’une représentation figurative de ceux-ci a émergé, de façon non intentionnelle, née de l’action de fabriquer, et de la connaissance subliminale ou subconsciente de la mort de ce jeune homme, ou peut-être de toute mort, ou de la Mort elle-même ! »

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