La littérature scientifique sur la maladie d’Alzheimer n’en finit pas d’être revisitée, et la qualité d’études influentes remise en question. En décembre 2023, en raison d’« anomalies » dans certaines figures et d’erreurs biostatistiques, Nature rétractait ainsi une étude dirigée par le neurobiologiste Marc Tessier-Lavigne. Elle avait été publiée en 2009, alors qu’il était président de l’entreprise californienne Genentech, et présentée par son principal auteur comme un « tournant » dans la compréhension de la maladie neurodégénérative.
Dans l’intervalle, le chercheur canadien avait pris la présidence de la prestigieuse université Stanford (Californie). Il a dû en démissionner à l’été 2023, après qu’une enquête interne a révélé que plusieurs études frauduleuses ont été conduites dans des laboratoires qu’il a dirigés. Son étude dans Nature avait été citée plus de huit cents fois dans la littérature scientifique.
Ce score très honorable fait cependant pâle figure en regard des 2 343 citations d’une autre étude, publiée en 2006 dans Nature, qui renforçait l’hypothèse du rôle de l’accumulation de protéines de type β-amyloïdes dans l’étiologie de la maladie d’Alzheimer. L’autrice principale, Karen Ashe (université du Minnesota, Minneapolis), vient d’indiquer sur PubPeer – un site permettant de questionner, y compris de façon anonyme, la qualité de travaux scientifiques – qu’elle avait décidé d’en demander la rétractation. Elle s’y est résolue deux ans après qu’une enquête de la revue Science, concurrente de Nature, a révélé plusieurs images suspectes. Ces manipulations avaient été repérées par le neurobiologiste américain Matthew Schrag, et confirmées par la biologiste Elisabeth Bik, spécialiste du dépistage de la fraude scientifique.
Matthew Schrag était tombé un peu par hasard sur ces données, alors qu’il avait été mandaté par des petits porteurs de la société pharmaceutique Cassava Sciences craignant que le simufilam, son médicament anti-Alzheimer, n’ait été développé sur la base d’études frauduleuses. Dans cette mission indépendante de son travail au centre médical de l’université Vanderbilt, Matthew Schrag avait constitué un dossier de trente-quatre articles de chercheurs en lien avec Cassava Sciences soulevant de « sérieuses inquiétudes d’inconduite scientifique ».
Le neurobiologiste avait aussi repéré l’étude de 2006 dirigée par Karen Ashe, dont le premier signataire était un chercheur français formé à Caen, Sylvain Lesné, qui avait rejoint son laboratoire comme postdoctorant. Matthew Schrag avait détecté en outre des points problématiques dans une vingtaine d’articles scientifiques du Français.
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