Ce n’est pas tant l’œil de ce petit poisson d’Amazonie qui a surpris l’équipe de chercheurs qui s’est penchée sur son cas que cette rayure noire sur son dos parsemé de quelques petites taches orangées. Ils y ont vu l’œil de Sauron, l’être le plus maléfique sorti de l’imagination de Tolkien dans Le Seigneur des anneaux. Cette nouvelle espèce de piranha identifiée dans le Xingu, un affluent de l’Amazone, a été ainsi baptisée « Myloplus sauron ». Première autrice de l’étude publiée le 9 juin dans Neotropical Ichthyology, Valeria Machado (Université fédérale d’Amazonie, Brésil) travaillait notamment avec Rupert Collins (Muséum britannique d’histoire naturelle) à démêler les mystères d’un piranha herbivore, Myloplus schomburgkii, quand ils ont découvert, grâce à l’étude de l’ADN, que les très petites différences observées entre individus signaient l’existence de trois espèces distinctes. M. sauron et M. aylan viennent ainsi enrichir les quelque cent espèces de la famille des Serrasalmidae.
Une jolie dentition
Contrairement à l’image d’Epinal, tous les piranhas ne sont pas carnivores. Le genre des Myloplus comprend notamment le pacus, plus connu en Amérique du Sud. Ces poissons sont herbivores, même s’ils ont une jolie dentition avec deux rangées de dents en V. A l’âge adulte, ils atteignent une taille comprise entre 4 et 16 centimètres. Mais des doutes existent sur la classification phylogénétique de toutes ces espèces de poissons d’eau douce. Certaines espèces qui se ressemblent sont peut-être de genres différents qui se seraient rapprochés en raison de l’adaptation à l’environnement, notent les auteurs de l’étude.
En l’occurrence, il n’y avait pas suffisamment de preuves pour déterminer si M. schomburgkii, M. sauron et M. aylan descendent d’un ancêtre commun ou si elles ont évolué de manière convergente. « Pour l’instant, nous les avons laissées dans le genre Myloplus, mais elles pourraient être déplacées à l’avenir », prévient Rupert Collins dans un communiqué du Muséum britannique.
L’ichtyologie, cette branche de la zoologie qui étudie les poissons, a du pain sur la planche. Selon les estimations, 42 % des espèces de poissons en Amérique du Sud seraient encore inconnues.