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Workers in Java prepared coca leaves. This product was mainly traded in Amsterdam, and was further processed into cocaine. (Dutch East Indies, before 1940.)

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Alamy / Hémis.fr

Dans l’entre-deux-guerres, la cocaïne passe de la lumière à l’ombre

Par  et
Publié le 17 août 2022 à 18h58, modifié le 23 septembre 2022 à 08h03

Temps de Lecture 7 min.

La chaleur moite et le désespoir engourdissent les champs de canne à sucre de la région de Kagi, dans le sud-ouest de Taïwan. Depuis la fin de la Grande Guerre, en 1918, la production tourne au ralenti : le sucre est devenu un produit de luxe et ses consommateurs se sont raréfiés. Les colons japonais ne savent plus que faire de cette île, annexée en 1895. L’entreprise Ensuiko, propriétaire des plantations, ayant besoin d’argent, l’un de ses jeunes dirigeants suggère le nom d’un investisseur idéal : son propre père, le baron Korekiyo Takahashi, ministre des finances de l’empereur Yoshihito. Takahashi consent à investir 100 000 yens et convainc un ami d’en débourser autant, mais à une condition : renoncer à la canne à sucre et lui préférer la coca. Cette plante andine, qui ne pousse pas naturellement en Asie, trouvera ici un terrain d’accueil fertile.

Korekiyo Takahashi, ministre des finances de l’empereur Yoshihito, à Tokyo, en 1934.

De la raffinerie, spécialement érigée, sort bientôt une drogue, la cocaïne, dont les Japonais vont faire commerce. Et tant pis si cette substance est mise au ban des nations occidentales. Au contraire, le fait de s’arroger le monopole du marché noir est un atout inestimable aux yeux de l’empire. La société Ensuiko, rebaptisée Taiwan Shoyaku, n’est pas seule sur le créneau : une poignée d’entreprises pharmaceutiques obtiennent un label de l’Etat taïwanais pour se lancer.

Lire aussi notre archive (1990) : Article réservé à nos abonnés Japon : le retour du péril blanc

L’une d’elles, le laboratoire Sankyo, peut compter sur une recrue d’exception, fraîchement revenue d’Amérique : Jokichi Takamine. Découvreur de l’adrénaline et pionnier des médicaments laxatifs, ce scientifique a fait ses armes chez Parke-Davis, le leader de la cocaïne aux Etats-Unis, avant que la Prohibition ne gèle le marché. Car dans la foulée du Harrison Narcotics Tax Act américain de 1914, les traités internationaux ont mis à leur tour les drogues hors jeu. De maigres quotas, réservés à l’usage médical, brident la production et les échanges de cocaïne. Pérou et Bolivie, les fournisseurs historiques, sont délaissés. Qui voudrait exporter un fléau ? La terreur des overdoses l’emporte sur les vertus supposées de cette plante légendaire. La « coke » fait ainsi de l’Asie son « nouveau monde ». Une discrète conquête industrielle et commerciale, entamée par les Pays-Bas, forts de leurs colonies orientales, puis par le Japon, aux ambitions hégémoniques…

Vol au-dessus d’un nid de « coco »

Au début de la guerre, la coke était pourtant bien présente dans les « kits médicaux » des soldats britanniques ; elle était prisée des aviateurs français et allemands, et fournie aux troupes australiennes et néo-zélandaises en prévision de l’assaut des Dardanelles… Mais son interdiction – en 1916 en Angleterre et en France – l’a poussée dans la clandestinité. On retrouve bientôt sa trace dans les bars illégaux de l’East End londonien, où s’encanaillent les militaires en permission. A Paris, elle a les faveurs des prostituées de Montmartre. « Encore et toujours la coco », titre Le Populaire en septembre 1918. L’article raconte un trafic jugé au tribunal, où comparaissent « un Espagnol, Pepe Ortiz », un « déserteur belge, Laenens », « une femme de la butte », dite « Lina la Russe », « un pharmacien du quartier » et « une danseuse ». Scandalisé par les ravages de « la terrible, la déprimante, la funeste cocaïne », le reporter décrit « les regards vitreux, les démarches lasses » des consommateurs.

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