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Contre « l’herbe qui rend fou », Washington lance dans les années 1930 une guerre sans merci à la marijuana

« Le roman du cannabis » (2/6). Dans les années 1930 et 1940, cette drogue appréciée des migrants mexicains et des jazzmen fait l’objet d’une intense répression aux Etats-Unis. Le chef du Bureau fédéral des stupéfiants, l’intraitable Harry Anslinger, en fait une affaire personnelle.

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Publié le 31 juillet 2023 à 20h00, modifié le 01 août 2023 à 03h28

Temps de Lecture 7 min.

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Harry J. Anslinger, commissaire du Bureau fédéral des stupéfiants du département du Trésor, le 24 septembre 1930.

On les dit sales, braillards, voleurs. On se méfie de ces types au teint mat, moustache noire, yeux masqués par les bords de leurs grands chapeaux, de leurs familles aux ribambelles de gamins. Entre 1910 et 1920, 900 000 Mexicains traversent le Rio Grande (ou Rio Bravo, selon eux), fuyant la misère et la guerre civile pour trouver refuge aux Etats-Unis. Dans leurs baluchons, ils transportent les graines d’une herbe qu’ils fument en cigarettes ou sirotent en infusion : la « mota », c’est ainsi qu’ils l’appellent. Les autorités américaines lui donneront bientôt un autre surnom : la « locoweed » – l’« herbe qui rend fou ».

Il faut concéder que de redoutables bandits ont contribué à sa réputation. Pancho Villa (1878-1923), le plus emblématique des leaders révolutionnaires mexicains, est lui-même un fumeur invétéré. Ses soldats à la gâchette facile vivent dans un nuage de fumée, au rythme endiablé d’une chanson populaire : La Cucaracha (« le cafard »), un terme qui désigne aussi un mégot de joint. « Le cafard, le cafard/Ne peut plus marcher/Car il n’a plus/Car il lui manque/De la marijuana à fumer. »

A ce moment-là, le cannabis est méconnu de la population états-unienne comme des autorités sanitaires. Il est tout au plus un adjuvant incorporé à des préparations médicinales servant à lutter contre le glaucome ou la migraine. Le Harrison Act, la première loi antidrogue de 1914, ne le mentionne pas encore. La cocaïne est alors le principal danger sanitaire.

La conférence internationale de La Haye de 1912, puis les deux conférences sur les stupéfiants de Genève, à l’hiver 1924, s’attaquent, elles aussi, à l’opium fumé et aux drogues manufacturées. Malgré le réquisitoire théâtral du délégué égyptien, le « chanvre indien », dont on ignore largement les effets, demeure régenté en ordre dispersé.

« Assassin de notre jeunesse »

L’Egypte, qui attire les premiers contrebandiers internationaux, fut précurseuse, en édictant deux « ordres sublimes », en 1879 et 1891, interdisant la production et la consommation de cannabis. A sa suite, d’autres pays légifèrent au nom de la santé et de la sécurité publiques. Ainsi de la Jamaïque qui, dès 1913, vote sa répressive Ganja Law. L’empire colonial britannique se montre plus clément sous d’autres cieux. Se référant aux travaux pionniers de la Commission du chanvre (1894-1895), les Anglais laissent les chenevières (les plantations) pousser aux Indes. En France, le business du cannabis est une affaire d’Etat – le marché du kif marocain, plus précisément, dont la vente est soumise à un monopole d’Etat depuis 1904, au moyen de la Régie marocaine des kifs et tabacs exploitée par la Banque de Paris et des Pays-Bas (la future BNP).

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