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Leyla Vidal/BELPRESS/MAXPPP - Paris | Paris, oh, effectuant une livraison devant son véhicule utilitaire 20/07/2023 (MaxPPP TagID: maxnewsfrfive345889.jpg) [Photo via MaxPPP]
Leyla Vidal/BELPRESS/MAXPPP

La logistique à l’heure des JO, le casse-tête du dernier kilomètre

Par  et  (podcast)
Publié le 12 juin 2024 à 07h00

Temps de Lecture 5 min.

Avant toute chose, consulter les cartes. Chargée des achats logistiques et du stockage pour l’épicerie de quartier Le Zingam, qui affiche trois points de vente dans l’Est parisien et fournit également cent cinquante restaurants, Mylène Dupas a cherché à devancer la cohue estivale, liée aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP), grâce au site Anticiperlesjeux.gouv.fr. « Les cartes sont très bien faites. Elles montrent, jour après jour, heure par heure, les blocages susceptibles de se produire autour des sites olympiques », constate-t-elle. Si le cœur de l’été est « habituellement une période de faible activité » pour Le Zingam, Mylène Dupas se prépare, « les jours de marathon ou de courses cyclistes, à rappeler aux livreurs en camionnette de ne pas chercher à traverser Paris, mais d’emprunter le périphérique ». Même si l’une des voies du boulevard circulaire, dans chaque sens, sera alors réservée aux véhicules accrédités.

A l’image de Mylène Dupas, les commerçants franciliens et leurs fournisseurs se préparent tant bien que mal : prévoir davantage d’espaces de stockage, anticiper les risques de coupure de climatisation, alerter les prestataires occasionnels, voire envisager une prime exceptionnelle pour leurs salariés. Au volant de leur camionnette blanche, à la recherche d’une place de livraison qui ne serait pas indûment occupée, les livreurs ont certes l’habitude de l’actualité trépidante de la capitale. Ils jonglent avec les grèves, les manifestations, les événements festifs ou commémoratifs qui bouleversent itinéraires et créneaux horaires. Mais, cette fois, l’événement va durer deux fois deux semaines, du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre, sans compter les périodes de préparation et de démontage. Les perturbations, qui ont commencé en mai, s’étendront jusqu’au mois d’octobre et culmineront pendant les huit jours précédant la cérémonie d’ouverture, le 26 juillet : la traversée de la Seine sera alors strictement contrôlée.

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Source : Préfecture de police de Paris ; Paris 2024
Infographie Le Monde

Le secteur logistique devrait être très sollicité. Les quelque quinze millions de visiteurs olympiques vont, plus encore que les Parisiens, consommer dans les cafés-restaurants. Le gouvernement escomptait, en mars, « un flux de marchandises multiplié par deux, soit huit millions d’enlèvements ou de livraisons prévus chaque semaine pendant les Jeux ». Les habitants, eux, sont priés de limiter le recours à la douillette routine des livraisons à domicile. Enfin, la Ville de Paris concède qu’il faudra traiter davantage de déchets.

« Ce sera un peu la loterie »

La logistique « qui dessert, abreuve, nourrit », comme la définit Jean-Michel Genestier, maire Les Républicains du Raincy (Seine-Saint-Denis) et conseiller de la Métropole du Grand Paris chargé du secteur, demeure discrète, contrairement à la mobilité des personnes, qui suscite de grands discours politiques et de lourds investissements. Des hangars aux camions, puis aux réserves, les marchandises supportent des conditions de transport moins exigeantes, même si certaines craignent le froid, le chaud, la lumière ou le temps qui passe. Leur conditionnement nécessite une assistance, elles ne se déplacent jamais de manière autonome et « elles ne votent pas », comme on dit à l’Union des entreprises de transport et de logistique de France, organisation professionnelle du secteur.

« Dans les villes, la logistique est trop souvent résumée à une nuisance, puisqu’elle fait du bruit, occupe de l’espace, crée de la congestion et de la pollution. Dès lors, certains élus préféreraient que les marchandises soient livrées la nuit », observe Chloé Bouilloux, responsable de Cargonautes, une entreprise coopérative de logistique à vélo-cargo, qui livre des entreprises et emploie quarante livreurs en contrat à durée indéterminée.

Comme les commerçants, les logisticiens se préparent, parfois à tâtons. « Nous avons dû construire des tournées alternatives en fonction des lieux et des heures des épreuves, mais les informations, notamment pour la cérémonie d’ouverture, nous sont parvenues un peu tard. Du coup, on a fait le boulot nous-mêmes sur Excel », témoigne Pascal Clément, directeur général d’OBD Grand Paris, qui livre chaque jour deux mille hôtels et restaurants en Ile-de-France. « Ce sera un peu la loterie », corrobore, dans ses bureaux au marché d’intérêt national de Rungis (Val-de-Marne), Nicolas Héry, responsable de la région Ile-de-France au sein du groupe Stef, un acteur majeur de la livraison de flux frais. L’entreprise, qui compte 22 000 collaborateurs en Europe, a embauché 75 personnes supplémentaires en vue des JOP. « Les tournées risquent d’être plus longues. Dans un secteur géographique où nous livrons en temps normal vingt clients par matinée, nous devrons nous contenter de six », précise M. Héry.

Les professionnels connaissent parfaitement les caractéristiques des périmètres « rouges » et « bleus » entourant les lieux des compétitions. Les zones rouges, quelques rues autour de chaque site, seront interdites aux véhicules motorisés. Les forces de l’ordre arrêteront les camionnettes ou scooters de livraison et exigeront un justificatif précisant l’immatriculation du véhicule et l’identité du conducteur.

Les zones bleues, plus larges, n’entraveront que le trafic de transit. Autrement dit, les véhicules motorisés pourront y pénétrer à condition d’avoir un but précis. La vérification ne sera pas systématique. « Les périmètres bleus servent à réguler les flux, à limiter l’encombrement à proximité des zones rouges », explique Jean-André Lasserre, qui a piloté la démarche baptisée « Logistique urbaine du quotidien pendant les Jeux olympiques et paralympiques », en lien avec les pouvoirs publics et les professionnels du secteur.

Ces travaux ont abouti à la création d’une plate-forme cartographique libre d’accès, Joptimiz. Elle répertorie, à la rue près, les places de livraison et permet de demander un laissez-passer numérique, sous forme de QR code. Jean-André Lasserre conseille vivement aux transporteurs de recourir à cet outil, même pour les zones bleues où il ne sera pas obligatoire. « Les JOP feront appel à un renfort de policiers qui ne connaissent pas Paris. Dès lors, le laissez-passer numérique facilitera le contrôle », a assuré Maxime Sassi, chargé de mission Paris 2024 à la préfecture de police, lors d’une conférence de presse consacrée à la logistique olympique le 25 avril.

Dérogation pour les tireuses à bière

Quelques détails ont demandé beaucoup de réunions entre les autorités et le secteur logistique, comme le sort des matières dangereuses, que le préfet de police avait catégoriquement exclues de l’ensemble des périmètres. Mais parmi ces substances figurent des produits utilisés quotidiennement, à commencer par les cartouches de CO2, indispensables au fonctionnement des tireuses à bière. Or, dans l’organisation millimétrée de la fête olympique, le « demi pression » n’a rien d’anecdotique. A la sortie des stades éphémères, « les buvettes dans l’espace public sont un moyen de canaliser la foule », explique Jean Castex, président-directeur général de la RATP. Il a donc fallu concéder une dérogation pour ces installations.

Le dispositif, qui laisse la voie libre aux piétons et aux cyclistes dans les zones de sécurité, favorise délibérément la cyclologistique. Ce secteur économique, qui compte vingt-cinq acteurs en Ile-de-France, a édité un guide présentant les différents types de vélos-cargos et les charges qu’ils peuvent porter, jusqu’à 350 kilos et 2 mètres cubes. Mais « les vélos ne peuvent pas tout faire », avertit Amauric Guinard, responsable de la société ColisActiv’, qui cherche à promouvoir ce mode de transport. En prévision des Jeux, les entreprises de cyclologistique avaient, dès la fin de l’hiver, passé des contrats, acheté le matériel, recruté le personnel. « Si un client souhaite recourir aux livraisons à vélo, il ne peut pas se contenter d’un été ; il doit s’engager sur le long terme », affirme le spécialiste.

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Une logistique plus vertueuse pourrait-elle sortir de l’ombre grâce aux JOP ? Pour Jean-André Lasserre, « les outils numériques créés à l’occasion des Jeux serviront à toutes les collectivités qui voudront mettre en place une zone à trafic limité », un quartier où la circulation est réservée aux riverains, commerçants et livreurs. La ville olympique préfigure-t-elle la cité de demain ?

« Un quart d’heure en ville » est un projet du « Monde Cities », réalisé avec le soutien de Toyota. Rédaction en chef : Emmanuel Davidenkoff. Articles : Olivier Razemon. Infographie : « Le Monde ». Podcast : Marjolaine Koch. Suivi éditorial des podcasts : Joséfa Lopez. Coordination articles : Isabelle Hennebelle. Edition : Guillemette Echalier. Identité graphique du podcast : Marianne Pasquier, Thomas Steffen, Léa Girardot. Iconographie : Sandra Grangeray, Moulaye Diarra. Partenariat : Sonia Jouneau, Morgane Pannetier.
Retrouvez tous les épisodes de la série ici.

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