![Une salle d’audience au Palais de justice de Paris, où se tient le procès du Mediator, le 23 septembre.](https://img.lemde.fr/2019/11/02/0/0/5472/3648/664/0/75/0/ce33722_5wup5jFJTewftEINeT-l0b6W.jpg)
Toute la semaine, il a été question de « néoglucogenèse » et des « récepteurs 5-HT2B », des « ramifications cylindraxiles » et de l’« accolement des vésicules à la membrane des boutons synaptiques des neurones », des « enzymes monoamines oxydases », de la « valve tricuspide » qu’il ne faut évidemment pas confondre avec les valves « aortique et mitrale », ou encore du « captage de glucose » dont il est – mais faut-il le préciser ? – « fantaisiste de penser qu’il est contrôlé par la pyruvate kinase ».
La formidable complexité des débats qui caractérise le procès du Mediator a atteint un pic au cours de la bataille d’experts qui occupe pour quelques jours encore la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
A tel point que Me Charles Joseph-Oudin, avocat de plusieurs centaines de parties civiles, a fini par se demander tout haut si elle n’était pas savamment orchestrée par la défense, dans « une stratégie du trouble » destinée à instiller l’idée « que les choses sont beaucoup plus complexes que ce que le bon sens nous a jusqu’ici permis de comprendre ».
La cinquième semaine du procès avait été celle des experts judiciaires : trois scientifiques, mandatés par les juges d’instruction, auteurs d’un rapport de 700 pages sur la nature et les effets du Mediator, largement défavorable aux laboratoires Servier. La sixième fut celle des contre-experts : une armée de consultants – chimiste, cardiologue, pharmacologue, diabétologue, obésologue – parfois dotés de CV prestigieux, grassement rémunérés par Servier pour décortiquer ou compléter l’étude des experts judiciaires.
Toxicité connue
Onze d’entre eux (sur dix-sept) sont venus à la barre faire part de leurs observations. Leurs témoignages visaient tous à réhabiliter le médicament, dédouaner les laboratoires, dénoncer la partialité des experts judiciaires, et expliquer, en substance, que les 700 pages qu’ils avaient mis deux ans à boucler étaient bonnes à passer à la broyeuse.
Dans leur rapport, ces derniers affirmaient que le Mediator était un anorexigène – c’est-à-dire qu’il avait un effet amaigrissant –, et qu’il était proche des fenfluramines comme le Pondéral ou l’Isoméride, deux anorexigènes commercialisés par Servier, et retirés du marché en 1997 une fois leur toxicité connue.
Le laboratoire est accusé d’avoir tu la nature anorexigène du Mediator lors de sa mise sur le marché – comme antidiabétique en 1976 –, et de l’avoir maintenu après 1997 sans alerter quiconque, alors que la proximité de sa composition chimique avec les fenfluramines aurait dû l’inciter à s’inquiéter auprès des autorités sanitaires.
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