« Elle fait ce que tu veux pendant le show babe, la jeune veut te plaire, montre son corps, show nu et tout le corps… » C’est l’un des nombreux messages, signés du pseudonyme « I love my kids », qu’une Philippine de 25 ans, habitant dans la banlieue de Manille, a envoyés entre 2017 et 2018 à un homme nord-américain.
Des messages de flirt parfois, des demandes d’aides financières régulières pour payer « le loyer » ou la « facture d’électricité » aussi. Quelques appels vidéo qui sonnent souvent dans le vide. Mais aussi des selfies « avec les enfants », occasionnellement. Il ne s’agit pas ici d’une relation à distance, mais de l’exploitation sexuelle d’une enfant philippine de 9 ans, forcée par sa famille à s’exhiber devant la webcam pour des Occidentaux contre rémunération.
Ces « shows », des vidéos en ligne et en direct, aussi appelés « live streams » de violences sexuelles sur enfants, n’ont cessé de croître ces dix dernières années dans le monde, y compris en France. Avec la pandémie due au coronavirus, le phénomène a encore pris de l’ampleur : les confinements ont exacerbé les violences intrafamiliales, tandis que les projets de voyage pédocriminels ont été contrariés par la fermeture des frontières et les berceaux mondiaux du proxénétisme des mineurs, appauvris par la crise, se sont d’autant tournés vers le streaming. Avec la percée des vidéos à distance, le profil des criminels a évolué.
Parce que les enfants sont à des milliers de kilomètres et que la rencontre a lieu en ligne, les consommateurs de ces live streams relativisent leur participation et n’hésitent pas à commanditer des actes de plus en plus violents. « Cela a permis à des profils de pédocriminels qui, jusque-là, se cantonnaient à du téléchargement d’images (…) d’aller encore plus loin dans la commission des faits », explique Barthélémy Hennuyer, procureur au parquet des mineurs de Paris entre 2018 et 2021. Il constate également que l’usage du streaming a pu faciliter le passage à l’acte des délinquants peu agiles sur le numérique.
« Peur de perdre son boyfriend »
« I love my kids » n’échange d’ailleurs pas avec ses clients sur des messageries secrètes ou en naviguant sur le dark Web (des sites Web cachés ou non référencés), mais par Facebook Messenger ou Skype, des services que les Philippins utilisent quotidiennement sur leurs smartphones. Nombre de trafiquants d’enfants philippins font connaissance avec des Européens et des Américains sur des forums et des sites Web pornographiques ou même en envoyant des demandes d’amis sur Facebook.
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