L’affaire secoue la préfecture des Bouches-du-Rhône et sa politique de lutte contre le sans-abrisme. La chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé, jeudi 28 septembre, le placement en détention provisoire de Morde Khai Didi, 46 ans, gérant de nombreux hôtels meublés du centre ancien et paupérisé de Marseille et l’un des partenaires du service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO 13), l’opérateur de l’Etat pour l’hébergement d’urgence. Gestionnaire du 115, ce service lui adressait les familles à la rue, comme à d’autres hôteliers.
Cet Italien qui vit entre Rome et Marseille, connu pour son apparence excentrique, a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, travail dissimulé et soumission de personnes vulnérables à des conditions indignes d’hébergement, ainsi que pour les infractions de recel et de blanchiment.
Ni déclaration fiscale ni d’activité salariée
La justice soupçonne Morde Khai Didi d’avoir, avec l’aide de son cercle amical et familial – six autres personnes ont été mises en examen et placées sous contrôle judiciaire –, escroqué la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) qui finance le SIAO 13 et règle donc les nuitées pour les familles à la rue selon un barème qui va de 21 euros pour une personne seule à 51 euros pour une famille composée de cinq membres. L’analyse par les enquêteurs des conventions liant ou ayant lié les quatorze meublés de la sphère Didi au SIAO 13 – et auparavant à l’association Hospitalité pour les femmes – laisserait apparaître une surfacturation de 2 287 037 euros sur un total de fonds publics versés supérieur à 7,2 millions d’euros pour les années 2018 à 2022. En dépit de l’absence totale de comptabilité de ces hôtels, dont le relevé d’identité bancaire fourni à l’administration changeait régulièrement, la démonstration serait faite que, souvent, le nombre de nuitées payées dépassait la capacité de l’établissement.
Dans un communiqué annonçant la vague d’interpellations qui a eu lieu les 13 et 14 septembre, la procureure de la République Dominique Laurens précise que certains hôtels étaient exploités en dépit, pour l’un, d’un arrêté de péril visant une partie de l’immeuble, pour d’autres, d’avis défavorables de la commission de sécurité de la ville de Marseille, indispensable à leur fonctionnement.
Morde Khai Didi, qui reconnaît une grande partie des faits, réfute cependant l’étiquette de marchand de sommeil. « Il n’y a, dans ce dossier, pas un seul arrêté d’insalubrité, a plaidé Me Romain Neiller devant la chambre de l’instruction, affirmant que, en cas d’avis défavorable de la commission de sécurité, les hôtels n’étaient plus exploités. » Le service communal d’hygiène et de santé de la ville de Marseille a opéré une analyse de chacun des hôtels en termes d’insalubrité, à destination de la juge d’instruction. L’exploitation de ces nombreux établissements se faisait sans déclaration fiscale ni d’activité salariée. Trois « hommes à tout faire » de Morde Khai Didi ont été entendus mais ne sont pas poursuivis. Ils intervenaient « au noir » dans la gestion des établissements et jouaient le rôle de percepteurs de loyers auprès des locataires ne relevant pas du SIAO 13. A ces clients la chambre était louée sans bail entre 300 et 500 euros mensuels.
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