C’était avant que la cité Pissevin, à Nîmes, ne défraie la chronique avec la mort, en août 2023, de Fayed, un enfant de 10 ans, tué dans la voiture de son oncle prise par erreur pour cible par les tirs de narcotrafiquants. Victime collatérale d’une guerre de territoires de la drogue dont le premier chapitre, celui de 2020, est jugé par le tribunal correctionnel de Marseille. « C’est le début de la guerre à Pissevin », a résumé, jeudi 14 décembre, la procureure Gaëlle Ortiz face à huit prévenus qu’elle a désignés comme les logisticiens, les organisateurs et les auteurs de trois fusillades dans la cité. Et, « pour ne pas banaliser ce qui s’est passé en 2020 à Nîmes même si l’horreur a été atteinte l’été dernier », la magistrate a requis des peines s’échelonnant de 5 à 13 ans de prison.
A trois reprises, les 12 et 26 janvier, puis le 10 février 2020, des commandos d’hommes armés avaient tiré dans la galerie commerciale Wagner, du quartier de Pissevin. Des dizaines de coups de feu en rafale, certains sur le café Wagner, faisant trois blessés lors de la troisième attaque. « Il n’y a pas eu de morts, ça ne résulte que de la chance mais la chance ne doit pas profiter aux prévenus », selon la procureure.
Dans ce dossier, la chance était plutôt du côté des enquêteurs avec la découverte, le 18 février 2020 d’un téléphone dissimulé dans le paquetage de Pierre Guest, 36 ans, un malfaiteur de Pissevin transféré de la prison de Béziers (Hérault) à celle de Muret (Haute-Garonne).
La chance encore, en mettant la main, huit jours plus tard, sur un autre
téléphone dans un véhicule accidenté et abandonné à la hâte par son conducteur. Entre les deux appareils, 500 messages vocaux retracent l’organisation millimétrée des trois coups de force à la cité Pissevin.
« Je veux que le gérant, il soit fumé »
L’accusation a lu à livre ouvert les préparatifs d’une tentative de reprise du réseau de la cité par Pierre Guest, doublé par d’anciens associés à l’occasion de son incarcération, en 2017. « Je suis en guerre avec les gens de la ZUP, ils m’ont volé, ils m’ont pété un appartement où il y avait 95 000 euros de marchandise », l’entend-on dire lors d’un appel. Ses intentions ne font pas de doute : « Je veux que le gérant, il soit fumé ou le patron soit fumé. »
Dans ces écoutes, un terme choque la procureure, celui de « corps » pour désigner les individus, tout autant les membres du commando que les victimes à abattre. « Les mecs, ils vont venir avec des associés, quatre-cinq corps », annonce Pierre Guest à un correspondant. « Cette expression sidérante reflète la chosification et le mépris de la vie humaine, tant celle du soldat envoyé que de la victime », tonne Mme Ortiz.
Il vous reste 52.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.