En face de l’Ecole militaire, ils sont une bonne douzaine de soignants à l’humeur belliqueuse. Ce lundi 18 décembre, dans une brasserie chic de la capitale, ils expliquent, devant une nature morte représentant un lièvre écorché, pourquoi ils ont posé, le matin même, un lapin à Agnès Firmin Le Bodo. La ministre déléguée chargée des professions de santé les avait conviés à la présentation du rapport préfigurant la « stratégie décennale » en faveur des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie qu’elle compte mettre en place.
Leur boycott de la réunion vise à faire entendre la « colère » des dix-sept sociétés savantes et organisations médicales qu’ils représentent. Elles sont signataires d’une déclaration commune contre le préprojet de loi sur la fin vie rédigé par Mme Firmin Le Bodo. Le feu couvait depuis plusieurs semaines entre la ministre et le collectif de professionnels de santé. Mais la divulgation de la première mouture du projet de loi (Le Monde daté du 15 novembre et Le Figaro du 14 décembre) a déclenché les hostilités.
La copie provisoire du texte de loi dispose que toute personne atteinte d’une maladie incurable avec des douleurs inapaisables pourra demander la prescription d’un produit létal, qu’elle s’autoadministrerait. Si elle est dans l’incapacité physique d’absorber seule cette substance, elle aura la possibilité de demander à un médecin, une infirmière ou un proche de la lui administrer.
« C’est un piège »
La ministre fait « le choix d’une mort provoquée et organisée au sein du système de santé », dénonce le collectif des dix-sept organisations. « Nous sommes des soignants, pas des 007 à qui l’on donne un permis de tuer », s’exclame Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (CFE-CGC). Bien qu’invités, pour la plupart, depuis plusieurs mois par Mme Firmin Le Bodo à des réunions sur l’élaboration du projet, ces soignants protestent contre un texte conçu « en vase clos », « en catimini », et une « gestion pathétique » du dossier.
Leur intention n’est toutefois pas de rompre définitivement les discussions avec le gouvernement. Cheville ouvrière du collectif, Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, conditionne « une reprise du dialogue » au respect d’une revendication : la séparation des « dispositions sur la mort provoquée » et celles sur « le développement des soins palliatifs » dans deux textes de loi distincts, alors qu’elles sont aujourd’hui associées dans le préprojet de loi rédigé par Mme Firmin Le Bodo. Le geste létal ne peut être assimilé à un acte médical et encore moins à un soin, plaide le collectif.
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