« Même si je suis très engagée dans mon choix, je dois reconnaître que c’est quand même un renoncement… » La voix de Justine (son prénom a été modifié à sa demande), 41 ans, tremble un peu. Ses yeux s’embuent, elle s’arrête un instant avant de poursuivre. « Parce que cette décision de faire une PMA [procréation médicalement assistée] toute seule, ça veut dire aussi renoncer à faire un enfant à deux, et c’est douloureux. Je ressens comme une colère vis-à-vis de moi… Et vous, comment vous vivez avec ça ? », demande-t-elle, en se tournant vers les femmes assises autour d’elle.
Ce mardi soir, une poignée de patientes sont réunies dans une salle d’attente située au sous-sol de l’hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement de Paris, attenante au centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos). Les bureaux alentour sont vides, elles ont rapproché les chaises en similicuir rose foncé pour créer un cercle. Pendant deux heures, ce groupe de parole réservé aux femmes en parcours de PMA « solo », animé une fois par mois par une psychologue ou une sage-femme, leur permet de confronter leurs craintes, leurs expériences et leurs espoirs.
Entre la promulgation de la dernière loi de bioéthique, le 2 août 2021, et le 30 juin 2023, l’Agence de la biomédecine a recensé 29 970 demandes de première consultation en vue d’une PMA avec don de spermatozoïdes, de la part de couples de femmes et de femmes seules. Les premiers mois, les célibataires étaient majoritaires, à la surprise générale.
A l’hôpital Tenon, les femmes seules représentent même les deux tiers des nouveaux profils. Elles sont sept, ce soir-là. Toutes sont inscrites pour recevoir un don de sperme au Cecos de cet établissement de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de l’Est parisien. Certaines sont au tout début du parcours, d’autres sont plus avancées. Aucune n’est encore enceinte. Justine est la plus âgée. En face d’elle, Marie, à 34 ans, fait partie des plus jeunes. Elle sourit avant de lui répondre. « Je me suis rendu compte que je n’ai pas besoin d’être en couple pour être heureuse. Ça ne veut pas dire que j’exclus de rencontrer quelqu’un, mais j’ai vraiment dissocié les deux, le couple, l’amour, et mon désir de maternité », explique-t-elle tranquillement. « La première fois que j’ai réussi à poser ça, je me suis sentie tellement alignée, ça a été une évidence, décrit la jeune femme, rayonnante. Au point que je me suis dit que, quoi qu’il arrive, je ne dérogerai pas de mon projet de PMA solo. »
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