Dans le box vitré à l’intérieur duquel il comparaît, Salim B. l’assure : il a été « un grand sentimental ». Ce n’est pas cette facette du personnage qu’ont connue les spectatrices qui le dévisagent depuis les premiers rangs de la salle d’audience. Elles ne sont pas toutes là, mais une bonne partie des dix-sept femmes qui ont porté plainte contre cet homme élancé de 38 ans portant coupe afro, fines lunettes et petite moustache sont venues, lundi 18 mars, à l’ouverture du procès devant la cour criminelle de Paris de celui que la chronique a surnommé le « violeur de Tinder ».
Treize l’accusent de viol, quatre d’agressions sexuelles. Les faits qu’elles dénoncent vont de septembre 2014 à octobre 2016, date de son interpellation. Ces femmes désormais trentenaires ou presque, qui étaient alors de jeunes aspirantes comédiennes ou mannequins désireuses de se constituer un book, ont livré à la police des récits quasi similaires de leur rencontre avec Salim B., photographe de mode en devenir : des mots flatteurs sur des sites de rencontre, une invitation à domicile pour un shooting, le verre d’alcool qu’elles n’osent pas toujours refuser, le second verre, l’ivresse étrangement rapide et puissante – les analyses capillaires de plus de la moitié des plaignantes présentent des traces de drogues ou de médicaments suspectes –, le brutal changement d’attitude de leur hôte, l’insistance verbale, la pression psychologique, parfois la violence physique pour parvenir à ses fins, son indifférence après avoir obtenu satisfaction et leur sidération.
Les jeunes femmes – l’une d’elles avait moins de 18 ans lors des premiers contacts – étaient toutes consentantes, selon l’accusé, qui a bien voulu reconnaître une « faute morale, celle de les avoir utilisées pour son propre plaisir et de les avoir rejetées ensuite », mais pas d’infraction pénale. A ses yeux, a-t-il répété pendant l’instruction, les plaignantes étaient nécessairement disposées à aller plus loin puisque son invitation mentionnait la perspective de consommer de l’alcool. « Cette conception selon laquelle une jeune femme qui accepterait de boire consentirait de ce fait à des actes de nature sexuelle ne peut que laisser perplexe », constate le magistrat instructeur de ce dossier dans son ordonnance de mise en accusation.
« Une forme d’industrialisation du processus de rencontre »
Face aux enquêteurs, Salim B. avait évoqué une « addiction au sexe ». Depuis son box vitré, il corrige : « Au moment où j’ai parlé d’addiction au sexe, je n’avais aucun recul. Je n’ai aucune addiction au sexe. L’addiction que j’ai, c’est une addiction au fait de séduire. » Quelques rires nerveux s’échappent des bancs des parties civiles. « J’ai l’impression que ça ne suscite pas l’adhésion », ironise le président de la cour, Thierry Fusina. « Ce qui me plaisait, c’était de créer une nouvelle histoire, de nouvelles choses, persiste l’accusé, imperturbable. Ce n’était pas le rapport sexuel en lui-même. »
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