Interrogé par les fidèles sur son portable ou par une boucle de messagerie WhatsApp, Chmouel Lubecki, le rabbin de Rouen, n’aura cessé, vendredi 17 mai, de réconforter et d’informer une communauté juive « bouleversée ». Le chef religieux, qui demeure juste en face de la synagogue, n’était pas présent au moment de l’incendie criminel. « Mais ma femme, oui, raconte-t-il, encore sous le coup de l’émotion. Elle était réveillée et a vu la fumée sortir de la synagogue, mais pas l’assaillant. »
Massif rectangle de béton gris, construit en 1950, entouré de bâtisses médiévales, la synagogue s’élève rue des Bons-Enfants, à une centaine de mètres à peine de la célèbre place du Vieux-Marché, au cœur du centre-ville historique. Au petit matin, vers 6 h 45, un ressortissant algérien en situation irrégulière a mis le feu à l’intérieur de l’édifice en y jetant un engin incendiaire. Armé d’un couteau et d’une barre de fer, il a ensuite tenté de s’attaquer aux forces de l’ordre avant d’être abattu.
Les pompiers ont pu stopper rapidement l’avancée du feu et aucune trace du sinistre n’est visible sur les murs extérieurs du lieu de culte. « Mais les dégâts sont conséquents, déplore M. Lubecki. Les livres et rouleaux de la Torah n’ont heureusement pas été touchés, au contraire de la Bimah, l’estrade où se lit la Torah, qui est partiellement brûlée. »
« La bête immonde a frappé »
Depuis le 7 octobre 2023 et l’attaque du Hamas en Israël, la sécurité avait été renforcée aux abords des synagogues françaises, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui s’est rendu sur place en début d’après-midi. Hormis quelques crachats sur la porte de la synagogue, « aucune alerte particulière » ces derniers mois n’aurait permis d’anticiper un tel acte, selon le rabbin Lubecki.
Rouen, ville de 110 000 habitants, compte quelque 200 familles juives, soit un petit millier de personnes. Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, vendredi 17 mai, pour soutenir la communauté juive devant l’hôtel de ville de Rouen, à 18 heures, à l’appel du maire (Parti socialiste), Nicolas Mayer-Rossignol. « La bête immonde a frappé. S’attaquer à une synagogue, c’est s’attaquer aux juifs, c’est donc s’attaquer à nous toutes et tous, à la République », a tonné l’édile, entouré d’élus de sa majorité de gauche et de l’opposition de droite.
Kristell, une jeune quadragénaire qui préfère rester anonyme, est venue « par solidarité avec la communauté juive ». « Après le meurtre du père Hamel [victime d’un attentat terroriste islamiste en 2016 à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans la Seine-Maritime], voilà encore un symbole religieux visé dans la région », soupire-t-elle. Marco, septuagénaire de confession juive, qui ne veut pas non plus donner son nom, a tenu également à participer à cette manifestation, sans toutefois se bercer d’illusions : « Une fois de plus, on dira que c’est exceptionnel. Une fois de plus, on laissera filer… »
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