Les accusésdu procèsdu 13-Novembre


Au terme de plus de quatre ans et demi d’instruction, le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’ouvre, mercredi 8 septembre, pour une durée estimée à neuf mois. Vingt accusés sont renvoyés devant la Cour d’assises spécialement composée de Paris pour leur implication dans ces attaques pilotées par l’organisation Etat islamique (EI) qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés.

Abdellah Chouaa
Adel Haddadi
Ahmed Dahmani
Ali El Haddad Asufi
Ali OuLkadi
Fabien Clain
Farid Kharkhach
Hamza Attou
Jean-Michel Clain
Mohamed Abrini
Salah Abdeslam
Osama Krayem
Mohamed Bakkali
Mohammed Amri
Muhammad Usman
Obeida Aref Dibo
Oussama Atar
Sofien Ayari
Yassine Atar
Omar Darif

Onze accusés dans le box

Onze accusés, actuellement détenus, comparaîtront dans le box de la salle d’audience construite pour l’occasion dans l’historique palais de justice de Paris, parmi lesquels le seul membre des commandos encore en vie : Salah Abdeslam. Ce dernier s’était enfui quelques heures après les attentats à Bruxelles, où il fut arrêté quatre mois plus tard.

Le mystère Salah Abdeslam : renoncement ou avarie technique ?

Quelle était la mission exacte de Salah Abdeslam dans les attentats du 13-Novembre, et pourquoi n’est-il pas passé à l’acte ? Cette question est l’un des nombreux enjeux du procès.

Ce Français né et résidant en Belgique apparaît à de nombreux moments-clés de la préparation logistique des attentats. Il est d’abord accusé d’avoir été chercher, en Hongrie et en Allemagne, entre dix et douze djihadistes envoyés de Syrie pour les convoyer jusqu’à Bruxelles entre le 30 août et la mi-octobre 2015. Il est aussi accusé d’avoir acheté, le 8 octobre, 15 litres d’un produit d’entretien pour piscine permettant la fabrication de 10 kg de peroxyde d’acétone (TATP), un explosif artisanal. Salah Abdeslam a également procuré plusieurs véhicules et des planques aux membres de la cellule. Logé, dans la nuit du 12 au 13 novembre, à Bobigny (Seine-Saint-Denis) avec les commandos du Stade de France et des terrasses, il est également jugé pour sa participation directe aux attentats.

  • Le soir du 13 novembre, peu avant 21 heures, Salah Abdeslam dépose en voiture les trois kamikazes qui se sont fait exploser devant le Stade de France.
  • Il se rend ensuite dans le 18e arrondissement de Paris, où, d’après le communiqué de revendication diffusé ultérieurement par l’EI, un attentat devait également avoir lieu.
  • Il abandonne ensuite à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, au sud de Paris, sa ceinture explosive — une expertise a établi qu’elle était défectueuse, lui affirme avoir renoncé à la déclencher.
  • Le lendemain, il est exfiltré au petit matin par deux amis et disparaît à Bruxelles, où il sera arrêté après quatre mois de cavale, le 18 mars 2016.

Seul des dix membres du commando du 13-Novembre à pouvoir être jugé, Salah Abdeslam est le principal accusé de ce procès. S’il n’a finalement tué personne, il est le seul à être renvoyé, entre autres chefs d’accusation, pour « meurtres et tentatives de meurtre en relation avec une entreprise terroriste » en tant que « coauteur » des attentats.

Trois accusés comparaissent libres

Tous trois originaires de la commune bruxelloise de Molenbeek, ils font partie des complices du second cercle. Accusés par les magistrats instructeurs d’avoir aidé des membres de cette cellule terroriste, sans qu’on ait pu établir leur degré de connaissance du projet d’attentat, ils ont été placés sous contrôle judiciaire.

Deux d’entre eux, Hamza Attou et Ali Oulkadi, sont jugés pour avoir aidé Salah Abdeslam à s’enfuir après les attentats du 13-Novembre : le premier pour être venu le récupérer, avec un ami, en région parisienne, le 14 novembre à l’aube, avant que le deuxième le prenne en charge lors de son retour à Bruxelles.

Le troisième, Abdellah Chouaa, est notamment soupçonné d’avoir été en contact avec son ami Mohamed Abrini, un des principaux accusés, tandis que ce dernier se rendait en Syrie à l’été 2015.

Six accusés manquent à l’appel

Visés par des mandats d’arrêt internationaux, six accusés seront jugés « en absence ». L’un d’entre eux, Ahmed Dahmani, ami de Salah Abdeslam, a été arrêté en novembre 2015 en Turquie et condamné pour terrorisme. Les autorités turques refusent de le remettre à la justice française tant qu’il n’aura pas effectué les deux tiers de sa peine.

Les cinq autres, membres de la hiérarchie de l’EI, sont présumés morts dans la zone irako-syrienne, mais, en l’absence de preuves formelles de leur décès, ils peuvent être poursuivis.

Parmi eux, le Belge Oussama Atar, le commanditaire de l’opération, Omar Darif, un expert en explosifs envoyé en Belgique pour confectionner les ceintures explosives avant de repartir en Syrie, ou encore les frères Clain, cadres de la propagande de l’EI et auteurs du message audio de revendication des attentats du 13-Novembre.

Douze risquent la prison à perpétuité

Ce procès ne sera pas celui des « seconds couteaux ». Signe de l’implication directe de plusieurs accusés dans ces attentats, douze encourent la peine maximale pour « meurtres en relation avec une entreprise terroriste », « complicité de meurtres en relation avec une entreprise terroriste », ou « association de malfaiteurs terroristes » s’ils sont en situation de récidive légale. Sept autres accusés encourent vingt ans de prison, et un six ans.

Paris visé depuis Bruxelles et la Syrie...

A Paris, trois commandos

Dans la soirée du 13 novembre, trois commandos sèment la terreur aux abords du Stade de France, à Saint-Denis, dans la salle de concerts du Bataclan et sur plusieurs terrasses de restaurants et de cafés de l’Est parisien. Ces attaques simultanées font 130 morts.

Des 10 hommes arrivés la veille de la Belgique, neuf ont été déclarés morts, entraînant l’extinction de l’action judiciaire ; sept sont morts à Paris le soir des attentats ; deux autres — Chakib Akrouh et Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur de l’opération — ont trouvé la mort cinq jours plus tard lors d’un assaut du RAID à Saint-Denis.

Après avoir déposé en voiture trois kamikazes devant le Stade de France, Salah Abdeslam abandonne sa ceinture explosive et disparaît jusqu’à son arrestation, quatre mois plus tard.

A Bruxelles, des logisticiens et des relations de quartier

C’est dans la capitale belge que l’ensemble des membres de la cellule vont se regrouper, s’armer, organiser les attentats parisiens et préparer les prochaines opérations. Plaque tournante du trafic d’armes venant des Balkans, la Belgique est idéalement positionnée au cœur de l’espace Schengen, où la libre circulation des ressortissants européens est autorisée. Le salafisme militant est implanté de longue date dans le royaume, qui, à la fin de 2014, est le pays occidental ayant fourni à l’EI le plus gros contingent de combattants étrangers, rapporté à sa population. Les réseaux fondamentalistes sont peu inquiétés par les autorités fédérales, comme à Molenbeek-Saint-Jean, où ont grandi ou résidé de nombreux membres de la cellule du 13-Novembre. Douze accusés de ce procès sont belges ou résident en Belgique.

C’est aussi en Belgique que, quatre mois après les attentats, quatre membres de la cellule terroriste trouvent la mort : un complice, Mohamed Belkaïd, a été tué par la police belge, le 15 mars 2016 ; enfin, trois cadres opérationnels — Najim Laachraoui, l’artificier des ceintures explosives, et les frères Khalid et Ibrahim El Bakraoui, logisticiens en chef et cousins du commanditaire Oussama Atar — se feront exploser lors des attentats qui ont fait 32 morts à Bruxelles, le 22 mars 2016.

Les membres encore actifs de la cellule étaient censés réaliser d’autres attentats en France, lors de l’Euro de football 2016. Mais, contraints par l’avancée de l’enquête, ils ont finalement frappé le métro et l’aéroport de la capitale belge. Mohamed Abrini et Osama Krayem ont renoncé au dernier moment à se faire exploser. Parmi les logisticiens encore en vie, Mohamed Bakkali est accusé d’avoir loué des planques à Bruxelles pour y héberger les djihadistes et d’y avoir conduit certains d’entre eux.

Sept autres complices présumés de cette cellule ne sont pas renvoyés pour « complicité de meurtres en relation avec une entreprise terroriste », l’enquête n’ayant pu établir qu’ils avaient une connaissance précise du projet d’attentat ou qu’ils y aient apporté un concours effectif. Ils sont jugés pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Parmi eux, Yassine Atar, le frère cadet du commanditaire des attentats, et les trois acteurs de l’exfiltration de Salah Abdeslam.

En zone irako-syrienne, les organisateurs des attentats

Le 29 juin 2014, l’EI proclame un « califat » sur les territoires conquis en Irak et en Syrie auquel il donne la structure d’un Etat, doté d’une bureaucratie et d’une administration centralisée. Une entité voit le jour pour organiser des attentats en dehors de la zone irako-syrienne, confiée en 2015 au Belgo-Marocain Oussama Atar. Chargé d’organiser une vague d’attentats de grande ampleur en Europe, ce vétéran du djihad irakien s’appuie sur deux cousins bruxellois, Ibrahim et Khalid El Bakraoui, un expert en explosif, le Syrien Omar Darif, et sur des cadres francophones de l’EI en Syrie, comme Abdelhamid Abaaoud.

Ce dernier, futur coordinateur des attaques du 13-Novembre, recrute parmi les combattants étrangers de l’EI des terroristes à envoyer en Europe, comme les djihadistes de la cellule démantelée à Verviers (janvier 2015) ou l’auteur de l’attaque du Thalys (août 2015). Il organisera l’action des commandos du 13-Novembre, qui, à l’automne 2015, rejoignent le reste de la cellule réunie à Bruxelles par les frères El Bakraoui.

Oussama Atar a été désigné par plusieurs accusés comme l’émir qui les avait envoyés pour une mission-suicide en France. Il a « probablement » été tué en Syrie par une frappe américaine le 17 novembre 2017. Il est le seul des vingt accusés à être jugé pour « direction d’une organisation terroriste ».

Parmi les membres de l’EI envoyés depuis la zone irako-syrienne, quatre sont jugés au procès. Ils ont utilisé des papiers d’identité contrefaits pour se mêler au flux des réfugiés. Si Osama Krayem et Sofien Ayari arrivent à rejoindre la base logistique de la cellule à Bruxelles, les deux autres, l’Algérien Adel Haddadi et le Pakistanais Muhammad Usman, ont été détenus pendant un mois par les autorités grecques. Un contre-temps qui les empêchera, selon l’instruction, d’intégrer à temps les commandos du 13-Novembre.

Si les quatre ans et demi d’instruction ont permis d’établir le déroulé des principaux événements, certaines questions restent sans réponse. Le procès qui s’ouvre le 8 septembre entretient l’espoir d’éclaircir ces zones d’ombre.

Mohamed Abrini : le 11e homme du 13-Novembre ?

Après un bref séjour d’une semaine en Syrie, à l’été 2015, Mohamed Abrini est accusé d’avoir assisté son ami d’enfance Salah Abdeslam à plusieurs moments-clés de la préparation des attentats (achat de l’eau oxygénée nécessaire à la fabrication des ceintures explosives, location de deux voitures utilisées par les commandos, réservation du logement des kamikazes du Bataclan).

Fait notable, ce Belgo-Marocain est le seul membre de la cellule à avoir accompagné les dix djihadistes en région parisienne la veille des attentats. Il passera quelques heures dans le pavillon de Bobigny (Seine-Saint-Denis) où logeaient les commandos du Stade de France et des terrasses, avant de repartir à Bruxelles en taxi dans la nuit du 12 au 13 novembre. Au moment du départ d’Abrini, Bilal Hadfi, un des kamikazes du Stade de France, quitte la planque du commando du Bataclan à Alfortville (Val-de-Marne) pour rejoindre celle de Bobigny. Ce changement d’équipe pourrait avoir eu pour but de compenser le départ inopiné d’un complice. Les enquêteurs émettent l’hypothèse, jamais confirmée, qu’Abrini ait pu faire défection à la dernière minute et que onze hommes étaient initialement prévus dans les commandos.

Après quatre mois de cavale, Mohamed Abrini réapparaîtra sur la vidéosurveillance de l’aéroport bruxellois de Zaventem, le 22 mars 2016, à côté de deux logisticiens des attentats de Paris : Ibrahim El Bakraoui et Najim Laachraoui. Ces derniers déclenchent leur bombe, faisant seize morts. Pour une raison inconnue, Abrini abandonne la sienne et disparaît jusqu’à son arrestation, le 8 avril 2016.

Osama Krayem : chargé de commettre un attentat à Amsterdam ?

Osama Krayem fait partie des combattants aguerris projetés depuis la zone irako-syrienne pour participer à la vague de terreur du 13-Novembre. Les enquêteurs considèrent qu’il est sans doute, des quatorze accusés présents dans le box, le plus capé au sein de l’EI, suspecté d’être un membre des forces spéciales du “califat”. Ce ressortissant suédois a quitté la Syrie en septembre 2015, avant d’accoster en Grèce et de remonter la route des Balkans au milieu des réfugiés. Jugé pour avoir contribué pendant son séjour bruxellois à la préparation des attentats de Paris et Saint-Denis, Osama Krayem est aussi accusé d’avoir été missionné pour un autre projet terroriste prévu aux Pays-Bas le même jour. Le 13 novembre, quelques heures avant les attentats parisiens, il s’était rendu en compagnie du Tunisien Sofien Ayari à l’aéroport d’Amsterdam, avant de rentrer à Bruxelles en début de soirée. Le plus grand mystère entoure ce voyage. Une arborescence du projet d’attentats du 13-Novembre, retrouvée dans un ordinateur utilisé par la cellule, indique qu’une attaque était prévue dans cet aéroport.

Comme Salah Abdeslam, Mohamed Abrini et Sofien Ayari, Osama Krayem sera à nouveau jugé au procès des attentats de Bruxelles. Le 22 mars 2016, il avait accompagné un logisticien du 13-Novembre, Khalid El Bakraoui, à la station de métro bruxelloise de Maelbeek, équipé d’un sac bourré d’explosifs, et rebroussé chemin au dernier moment, laissant son complice exploser seul dans une rame.