Un groupe de minimes parés de grandes chasubles jaune fluo s’échauffent sous les projecteurs. En ce vendredi 2 février, soir d’entraînement, le terrain synthétique s’anime derrière les grandes palissades blanches qui ceinturent le stade Pablo-Neruda. Dans ce coin reculé de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le gymnase déserté est en travaux : sa vieille mosaïque bleue, typique des bâtiments municipaux des années 1980, disparaît derrière les grandes plaques d’isolation en mousse jaune. La réhabilitation de l’équipement sportif pour les Jeux olympiques (JO) est bien entamée, mais elle a fait une victime collatérale : le stade, siège du club local, le Red Star Rugby (RSC), et de ses trois cents licenciés.
La nouvelle circule depuis des mois : le terrain va être réquisitionné pour les JO et les Jeux paralympiques et être transformé en parking pour les partenaires du Comité d’organisation de Paris 2024 (Cojop). Le revêtement doit être enlevé pour accueillir la flotte de voitures qui véhiculera les invités d’un site à l’autre durant les compétitions. Les entraînements et matchs seront donc suspendus de mai à octobre.
Dans le vieux bâtiment qui abrite le club-house, le vice-président du club ne décolère pas. « C’est une honte ! On nous bassine avec le fait qu’il faut encourager le sport et on condamne un stade de banlieue pour le transformer en parking pour les gens du CAC 40 ! , gronde Jean-Philippe Folco. Et on apprend tout par la bande. On alerte depuis dix-huit mois et tout ce qu’on nous propose ce sont des petits bouts de solutions. »
L’ancien salarié de la Société générale, vêtu de son sweat aux couleurs du RSC, énumère les courriers qu’il a rédigés au fil des mois et de l’inquiétude grandissante : à Tony Estanguet, le président du Cojop, dès août 2022, au Cojop encore, puis à l’adjoint municipal chargé des sports, au maire, au département… Pour toute réponse, un laconique « on va trouver une solution ».
« On est clairement sacrifiés sur l’autel des JO »
Les parents de l’école de rugby (130 enfants, à 80 % issus de la ville) se sont aussi mis en mouvement, interpellant les divers élus et responsables de la commune. Sans plus de résultat. Le 10 janvier, une mère de joueur a questionné en direct Tony Estanguet, invité de France Inter. « Je suis forcément désolé, mais on ne peut pas organiser 878 compétitions et accueillir quinze mille athlètes de plus de deux cents pays sans avoir des contraintes dans la ville. Il va y avoir des équipements qui vont être montés », a expliqué ce dernier.
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