« On ne s’y habitue pas. » Au bord du bassin, Olesia Zaitseva laisse couler quelques larmes. Cette ancienne nageuse artistique ukrainienne entraîne deux de ses compatriotes dans cette discipline, les sœurs jumelles Maryna et Vladyslava Aleksiiva. Elle a commencé à les suivre en 2016, lorsque ces jeunes prodiges de la natation, natives de Kharkiv, une ville située à 30 kilomètres de la frontière russe, avaient 14 ans. Mais, depuis février 2022, la guerre a bouleversé la routine de l’entraînement des deux médaillées de bronze aux Jeux olympiques (JO) de Tokyo, en 2021, dans l’épreuve du ballet.
Nager, répéter les mouvements, se reposer, se déplacer est devenu une course semée d’embûches pour les nageuses, plusieurs fois championnes d’Europe et du monde. Et lorsque leur entraîneuse évoque la guerre, « ce qui paraît incroyable aujourd’hui encore », elle ne peut se retenir de sangloter. « Le bruit des bombes, le stress, les bombardements qu’on a vus depuis notre fenêtre… On s’inquiète en permanence. »
Pour autant, Maryna et Vladyslava Aleksiiva, qui ont décroché leur qualification pour les JO de Paris en février, lors des championnats du monde à Doha, se doivent de continuer à s’entraîner. Pour la dernière ligne droite dans leur préparation, elles ont quitté leur pays en guerre et leur ville dévastée. Après un passage au Centre aquatique olympique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), pour une étape de la Coupe du monde le week-end des 4 et 5 mai, et avant une compétition qui les emmènera au Canada, elles se sont installées pour deux semaines au stade nautique Nemausa de Nîmes Métropole.
« C’est une sorte de grand écart émotionnel pour elles », confie leur traductrice. Mais les conditions sont quasi idéales. « C’est vraiment très bien. La piscine est superbe, l’eau très propre, chauffée. Nous avons des créneaux avec le bassin pour nous », apprécie Vladyslava, surnommée Vlada.
Dans l’eau, les deux athlètes ne laissent rien paraître de leur quotidien de jeunes femmes hantées par la guerre. Tandis que, sur les lignes à côté, les nageurs gardois accumulent les brasses, elles répètent inlassablement leurs mouvements, sous le regard attentif d’Olesia Zaitseva. « Elles sont toutes les deux très fortes physiquement. Elles sont aussi très créatives, et très complices, confie leur coach. Mais ce qu’elles endurent depuis le début de la guerre est impensable. Parfois, je me demande d’où elles puisent leur force. »
« Nous n’avons jamais envisagé d’arrêter »
L’actualité refait toutefois vite surface. Et elles ne veulent surtout pas l’ignorer. Au contraire. Les jumelles ont choisi une musique intitulée War Stories pour leur programme technique présenté aux Jeux. Sourires aux lèvres, regards mélancoliques, Maryna et Vladyslava Aleksiiva évoquent leur « nouvelle vie ».
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