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« Les Lyon-PSG, les matchs de plus haut niveau de ma vie », pour Tabitha Chawinga, meilleure joueuse de la saison et globe-trotteuse du football

Atout majeur des Parisiennes en finale de Division 1, vendredi contre l’OL, l’attaquante malawite explique, dans un entretien au « Monde », comment elle a fait face à l’adversité pour devenir l’une des meilleures joueuses au monde.

Propos recueillis par 

Publié le 17 mai 2024 à 11h01, modifié le 17 mai 2024 à 11h01

Temps de Lecture 5 min.

Tabitha Chawinga échappe au tacle de la défenseuse lyonnaise Vanessa Gilles, en demi-finales de Ligue des champions.

A 27 ans, Tabitha Chawinga a beaucoup marqué partout où elle est passée. En Suède, en Chine et en Italie, et désormais en France, où elle fait le bonheur du PSG depuis une saison. Originaire du Malawi, un pays où il a longtemps été mal vu pour une femme de jouer au football, la buteuse n’a jamais renoncé à poursuivre ses rêves de footballeuse. Dans le groupe pour affronter Lyon en finale de Division 1, vendredi 17 mai (21 heures) à Décines-Charpieu (Rhône), malgré une gêne musculaire, la meilleure buteuse, récemment élue meilleure joueuse du championnat de France, retrace au Monde son parcours mouvementé.

Malgré les 11 points de retard du PSG sur l’OL en saison régulière, vous avez une chance de remporter le titre sur une finale. Est-ce inespéré, alors que la dynamique semble en faveur des Lyonnaises, qui viennent de vous battre deux fois en demi-finales européennes ?

C’est un grand moment pour le PSG et pour moi. On veut gagner le championnat, c’est notre chance. On va gagner ce trophée, on peut écrire l’histoire en remportant le doublé Coupe-championnat [Paris a remporté la Coupe de France, le 4 mai]. Oui, on a perdu récemment contre elles, on a même perdu en dix minutes à l’aller [mené 2-0, l’OL a marqué à la 80e, 85e et 86e]. Mais nous avons appris de nos erreurs.

Connaissiez-vous cette rivalité du football féminin entre Lyon et Paris ?

Je savais que c’était en quelque sorte le « French derby ». Tout le monde m’a parlé de l’OL quand je suis arrivée. Face à cette équipe, c’est toujours un match très intéressant. C’est un tout autre niveau quand vous jouez Lyon, sans doute les matchs de plus haut niveau de ma vie. C’est une équipe qui a tant gagné en Ligue des champions [huit titres européens].

Vous êtes la meilleure buteuse du championnat (18 buts) et vous avez été élue deux fois meilleure joueuse lors de deux cérémonies, les trophées de Division 1 et de l’UNFP. Est-ce une reconnaissance qui vous touche ?

Oui, j’étais aussi meilleure buteuse et meilleure joueuse en Suède, en Chine et en Italie.

Est-ce la normalité pour vous ?

[Sourire.] C’est à la fois normal et pas normal. Mais j’insiste, ce sont mes coéquipières qui me permettent d’être l’héroïne en marquant des buts. C’est grâce à elles que je peux marquer autant, elles me poussent toujours à faire mieux.

Votre sens du but est-il une qualité naturelle ?

J’ai toujours été attirée par le fait de marquer et j’ai travaillé dur pour cela. Mais quand j’étais petite fille, j’ai commencé par le poste de gardienne de but. Puis, je jouais à n’importe quelle position sur le terrain. Pour ensuite commencer à m’entraîner au tir et à développer cette qualité de buteuse.

Tenez-vous le compte exact de tous vos buts ?

Je n’ai jamais vérifié combien de buts j’ai marqués depuis le début de ma carrière [plus de 300 réalisations depuis ses débuts en première division malawite]. Depuis que je joue en Italie et désormais en France, je fais un peu plus attention [26 buts avec l’Inter Milan et 28 avec le PSG].

Vous avez grandi dans un village du nord du Malawi où la pratique du football n’est pas destinée aux petites filles. Mais vous avez persévéré malgré l’opposition de vos parents…

A cette époque, j’étais dans mon village. Et là-bas il n’est pas bien vu que les filles jouent au football. C’était un sport pour les hommes. Mes parents ne m’autorisaient pas à jouer : « Non, ce n’est pas pour toi. Tu peux jouer au netball [variante féminine du basket-ball] si tu veux. »

A chaque fois que j’allais jouer au foot, mon père et ma mère me battaient à mon retour. Je n’ai jamais renoncé. Une fois, je les ai mis au défi : « OK, si vous voulez que j’arrête de jouer au foot, cela suppose que vous arrêtiez de me frapper. » On a essayé… Cela a duré deux ou trois jours avant que je reprenne le jeu.

Tabitha Chawinga, élue meilleure joueuse lors de la cérémonie des trophées de l’UNFP (Union nationale des footballeurs professionnels).

Vous avez déjà raconté avoir été forcée de vous déshabiller deux fois sur le terrain pour prouver que vous étiez une fille, sous la pression d’adversaires. Vous avez fait face à toutes ces expériences douloureuses avec détermination.

J’ai été confrontée à beaucoup de situations difficiles au Malawi durant les matchs. Je m’en moquais car mon objectif était de réussir. Je viens d’un milieu pauvre. Je voulais devenir quelqu’un qui puisse aider sa famille. C’est pourquoi je n’ai jamais abandonné, je n’ai jamais baissé la tête. J’ai toujours regardé devant moi, vers mon futur et ce que j’étais persuadée de réussir un jour.

A 18 ans, vous quittez le Malawi pour rejoindre seule un club de troisième division suédoise…

Une Américaine, Melisa [Krnjaic, ancienne joueuse de haut niveau qui travaillait pour une ONG au Malawi et qui a joué au Sunshine, le club de Chawinga], a cru en moi et m’a mise en contact avec un club suédois, où elle avait évolué. Le président de mon club, mister Dumbe, qui était aussi notre coach, s’est occupé pour moi de m’obtenir un visa et de payer le billet d’avion. Cet homme est mort maintenant, et j’aurais aimé qu’il voit ce que j’ai réussi. Même quand il était malade, il me disait : « Je crois en toi Tabitha, un jour tu seras une grande joueuse. C’est pour ça que je t’ai envoyée en Suède. »

Et vous débarquez à Dvärsätt, une bourgade de quelques centaines d’habitants, située dans le nord du pays. Qu’avez-vous ressenti ?

J’étais timide, un peu effrayée. C’était mon premier voyage à l’étranger, la première fois que j’allais vivre seule. Je savais que je serais confrontée à beaucoup de challenges. Je ne parlais pas bien anglais. Je ne voyais pas de personnes noires, personne qui parlait ma langue. C’était difficile, mais je suis restée concentrée.

L’équipe m’a tout de suite adoptée. En rejoignant ce club en troisième division, mon but était de m’y mettre en valeur pour jouer dans un grand club. Dès mon arrivée, j’ai demandé à mes coéquipières si Marta [attaquante vedette brésilienne qui évoluait en première division suédoise à l’époque] jouait dans le même championnat que nous. J’étais ultra motivée. Je voulais un jour affronter les meilleures, comme elle.

En 2018, vous partez pour la Chine, dans la ville de Nankin. Votre parcours est celui d’une globe-trotteuse. Comment parvenez-vous à vous adapter aussi facilement à chaque fois ?

Quand vous jouez au football, vous devez beaucoup voyager. Aujourd’hui, je suis ici, demain je serai dans un autre pays. Je me suis dit : « OK, je vais en Chine. » Je savais que je devais être forte et continuer à progresser. C’était une grande ville, très peuplée mais j’ai rencontré une seconde famille. Il y avait des joueuses étrangères [notamment Elizabeth Addo, attaquante ghanéenne]. J’ai rencontré Jocelyn Prêcheur [son entraîneur au PSG, qui l’a coachée aussi en Chine]. Cela a été bon pour moi.

Vous n’êtes que prêtée par votre club chinois actuel (Wuhan). Le PSG veut vous garder mais vous êtes très sollicitée en Angleterre et aux Etats-Unis. Où se situe votre avenir ?

Le PSG est un bon club. C’était mon rêve de joueur un jour pour le Paris Saint-Germain, un club renommé au Malawi. Ici, c’est le haut niveau et je rêve de continuer à y jouer. Je crois que je vais encore jouer à Paris la saison prochaine.

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