Il est des nuits romaines qui virent à l’ivresse. Auriana Lazraq-Khlass en a connu une, samedi 8 juin. Dans le Stade olympique, alors que la canicule avait laissé la place à une douceur de bon aloi, la Française a décroché, à 25 ans, la médaille d’argent en heptathlon derrière la Belge Nafissatou Thiam, double championne olympique. Elle offre à l’équipe de France son premier podium, juste avant que Cyréna Samba-Mayela ne décroche la première médaille d’or (sur 100 m haies). Elle assure également sa qualification pour les Jeux olympiques de Paris.
En deux jours et sept chantiers (100 m haies, saut en hauteur, lancer de poids, 200 m, saut en longueur, lancer de javelot et 800 m), l’athlète tricolore a repoussé ses limites. « Mes records sont explosés », ne pouvait-elle que constater, comme quelqu’un qui se découvrirait un nouveau corps.
C’est peu dire. Elle a battu ses records personnels dans cinq disciplines. Jusque-là, son meilleur total était de 6 209 points, réalisés au stade Christophe-Lemaître d’Oyonnax (Ain). Elle l’a porté à 6 635 points au Stade olympique de Rome. Un écart qui, pour les spécialistes, indique plus qu’une amélioration : une véritable mue. Elle devient, dans sa discipline, la troisième meilleure performeuse française de tous les temps derrière Eunice Barber, double championne du monde (1999 et 2003), et Chantal Beaugeant – suspendue en 1989 pour dopage.
Jusqu’alors, les performances d’Auriana Lazraq-Khlass étaient – presque – éclipsées par ses allures. Par les fausses tresses tricolores parsemant sa chevelure. Par son maquillage enflammé lui donnant des faux airs de capitaine Spock qui aurait appris à sourire. Par sa nature expansive et son perpétuel entrain qui faisait le ravissement des intervieweurs. Fracassante entrée dans les tablettes ce 8 juin.
Elle rêve de conquérir le public parisien
Née à Pithiviers (Loiret), la Française s’entraîne à Metz, et sa carrière a décollé doucement. Le talent était là, la concentration un peu moins. Trop dispersée. Temps de galère. Il y a deux ans, elle s’est mise au chômage pour se dédier entièrement à sa carrière sportive. « Elle ne se voyait pas faire autre chose, explique Julien Choffart, qui devient alors son entraîneur. Je l’ai recadrée. » « Il est allé me rechercher au fond du trou », résume Auriana Lazraq-Khlass. Les premiers résultats arrivent, lui valent une aide de la Fédération française d’athlétisme et du département de la Moselle, puis quelques sponsors.
Jusqu’à cette soirée romaine donc. Boule de nerfs et de pleurs après sa médaille, l’athlète laissait exploser une émotion contenue pendant deux jours, le débit précipité. Après ce grand bond en avant, Julien Choffart estime qu’elle va désormais devoir gratter les centimètres et les secondes. Sa protégée rêve, elle, d’une médaille olympique. Sa décontraction a plu aux estrades romaines. La voilà qui peut se mettre à rêver de conquérir le public parisien cet été. « Je suis aux JO », exultait-elle. Le chemin de Metz à Paris passait simplement par Rome.