Dans la curieuse alchimie de l’athlétisme, l’or n’est pas forcément de l’or, l’argent de l’argent et le bronze du bronze. Tout métal ne se vaut pas et ne s’échange pas. C’est ce qu’il faut retenir des championnats d’Europe qui se sont tenus à Rome, du vendredi 7 au mercredi 12 juin. Le bilan de l’équipe de France y est plus que satisfaisant : 16 médailles dont quatre en or, 5 en argent et 7 en bronze. Mais il est aussi flatteur. Et toute transmutation de cette moisson continentale en promesse olympique serait œuvre d’apprenti sorcier.
Sans remonter à Pierre de Coubertin ou Alice Milliat, le tableau romain aurait auguré naguère d’une récolte avoisinante aux Jeux olympiques. Sauf que l’Europe n’est plus l’Europe. Ou plutôt si, l’Europe du sport est conforme à l’Europe géopolitique, c’est-à-dire un continent dont la place est contestée sur la scène internationale, non plus seulement par les Etats-Unis mais par de multiples pays d’Afrique ou d’Asie. Alors, passées au tamis des temps, des longueurs, des hauteurs réalisés à Rome et comparées aux tablettes internationales, les médailles peuvent s’affadir, jusqu’à devenir parfois du toc dans la cornue olympique.
Cette leçon sur la relativité des métaux, Romain Barras, au titre plus long qu’un 10 000 m – directeur de la haute performance à la Fédération française d’athlétisme –, le sait bien. En 2022 et 2023, il avait été chargé d’endosser les résultats désastreux de l’équipe de France après les championnats du monde d’athlétisme à Eugene (une médaille d’or au décathlon) puis à Budapest (une médaille d’argent, au relais 4 X 400 m masculin). Jamais alors la France n’avait pris une telle dérouillée depuis 1993.
Alors, mercredi 12 juin, à Rome, Romain Barras était tout sourire pour commenter autre chose qu’une disette. « Cette équipe de France a du caractère : elle ne lâche rien, se réjouissait l’ancien décathlonien. Les athlètes ont montré la meilleure version d’eux-mêmes. Ils ont fait le plein de confiance avant de partir pour une campagne olympique. »
Nouvelle génération
Il se réjouissait notamment de l’émergence d’une nouvelle génération d’athlètes, souvent âgés de moins de 25 ans, qui avaient encore une marge de progression. Beaucoup ont battu leurs records personnels. Comme Cyréna Samba-Mayela, 23 ans, médaille d’or du 100 m haies, qui a battu par deux fois le record de France à Rome, avec un temps (12 s 31) qui la met en haut du bilan mondial.
Autre satisfaction, même un cran en dessous, Louise Maraval, 22 ans, médaille d’argent sur 400 m haies (54 s 23) derrière l’intouchable Néerlandaise Femke Bol. Comme Alexis Miellet, 29 ans, qui a remporté à Rome ce qui n’était que le cinquième 3 000 mètres steeple de sa tardive carrière sur cette distance (8 min 14 s 71), devant son compatriote Djilali Bedrani. Alice Finot, médaille d’or du 3 000 m steeple à déjà 33 ans, faisait figure d’exception. L’athlétisme féminin, qui traversait un creux, a été, cette fois, pourvoyeuse de médailles à l’égal des athlètes masculins.
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